Dumont d’Urville – L’homme et la mer
Dumont d’Urville – L’homme et la mer
Edward Duyker est un historien australien auteur de plusieurs biographies d’explorateurs européens. Cet ouvrage passionnant de 600 pages est la traduction de Dumont d’Urville. Explorer and Polymath (New Zealand, 2014). Il est cependant regrettable que cette adaptation française ne soit pas à la hauteur du texte original ; la relecture par un marin aurait sans doute permis d’éviter des erreurs de compréhension. Ce grand marin renommé des années 1820-1840 figure naturellement dans le panthéon des explorateurs savants qui viendront en quelque sorte parachever l’immense épopée européenne des « grandes découvertes », commencée à la Renaissance et poursuivie pendant le siècle des Lumières avec Cook, Bougainville ou Lapérouse. Au fil des ans, cependant, les buts poursuivis par ces grands voyages évoluent. Si les richesses locales sont toujours recherchées (métaux et épices), elles ne suffisent plus à justifier de telles expéditions. Des buts politiques (colonies de peuplement ou de déportation, points d’appui stratégiques) et des finalités scientifiques (nouvelles espèces, géophysique, etc.) sont mis en avant à l’époque de Dumont d’Urville.
Très solidement étayé par de nombreuses références d’archives en partie inexploitées, l’ouvrage d’Edward Duyker nous fait ainsi découvrir un Dumont d’Urville polyvalent, sorte d’esprit universel qui dispense ses réflexions mûries par son impressionnante culture littéraire et scientifique dans tous les domaines, parfois bien éloignés de la mer. Infatigable marcheur, il parcourt par tous les temps des milliers de kilomètres lors de ses escales, couchant dehors et se contentant de quelques heures de repos. Il « botanise » avec bonheur, laissant souvent le soin des sciences hydrographiques et astronomiques à d’autres officiers. Mais sa véritable originalité est de s’intéresser en priorité aux populations rencontrées : le remarquable marin naturaliste et géographe se révèle plus encore comme observateur de l’Autre, c’est-à-dire de celui qui n’est pas européen, avec une ouverture d’esprit peu commune à cette époque. Nous lui devons de nombreuses descriptions des us et coutumes indigènes, ainsi que plusieurs vocabulaires/dictionnaires. Dumont d’Urville maîtrisait un nombre impressionnant de langues, dont le chinois, le sanscrit et plusieurs langues austronésiennes.
Trois campagnes de circumnavigation, dont deux comme commandant, illustrent l’essentiel de sa carrière, commencée sous d’heureux auspices avec la fameuse Vénus de Milo et terminée par la découverte du continent antarctique. Dumont d’Urville est un homme de son temps, un libéral attaché aux valeurs de la République, n’hésitant pas à s’engager. De caractère plutôt austère, parfois vaniteux à l’excès, il a le souci de faire valoir ses mérites auprès des sociétés savantes et dans les milieux politiques. Des circonstances malheureuses ponctuent une vie de famille en pointillé, malgré son attachement à sa femme Adèle et son seul fils survivant Jules promu à un brillant avenir. Tous trois trouveront la mort dans un terrible accident ferroviaire, le dimanche 8 mai 1842 à Meudon. Le contre-amiral Jules Dumont d’Urville laissera un immense héritage intellectuel. ♦