L'auteur prend ici à bras le corps les redoutables problèmes que posent, dans la société française actuelle, ceux que l'on nomme les « allogènes », qui ont quitté leur « Sud » pour notre « Nord ». Et c'est bien en définitive un problème de défense qui se pose, car le Sud sera-t-il notre allié ou notre ennemi, alors qu'il est au milieu de nous, travaille avec nous et pour nous ? Il s'agit de savoir si, dans un avenir plus ou moins proche, nous pourrons arriver à une coexistence harmonieuse au sein d'une véritable communauté des descendants directs des Français d'aujourd'hui et de ceux qui sont venus d'ailleurs. La rencontre des cultures peut stimuler notre vitalité, comme cela a toujours été le cas dans toute notre histoire, mais bien des difficultés surgiront sur le chemin, et beaucoup de nos lecteurs pourront être choqués de certaines affirmations contenues dans ces deux articles, dont le principal mérite est de poser des questions qui nous obligent à réfléchir.
Le dialogue Nord-Sud du quotidien et ses implications pour la défense - (I) Le présent
Le monde d’aujourd’hui nous apparaît comme se trouvant à la croisée de deux problèmes souvent évoqués séparément, mais dont on feint de ne pas remarquer la corrélation : celui de la démographie et celui de la mobilité. Le principe des vases communicants ne s’applique-t-il pas, au moins analogiquement, aux sciences de l’homme ? Toute l’histoire du monde nous prouve abondamment qu’il est à l’origine des grands bouleversements du genre de celui dont notre époque semble fournir les prodromes. Ceux-ci se résument dans le doublet Nord-Sud, formulation lapidaire, quelque peu simpliste, mais qui a le mérite de définir clairement la division du monde entre une majorité surpeuplée et pauvre face à une minorité sous-peuplée et riche. La France se situe dans ce dernier groupe. Elle s’efforce d’assumer ses responsabilités par rapport au premier, plus généralement connu du grand public sous le nom de Tiers Monde, bien que ce terme lui-même soit d’ailleurs à redéfinir, tant la réalité qu’il recouvre s’est transformée depuis quelque trente années que ce concept a été forgé. Les pays regroupés sous ce vocable se sont multipliés par l’accession à l’indépendance de nombreux territoires anciennement colonisés, et ces nouveaux pays ont évolué d’une manière très diverse, parfois divergente, dans leur construction nationale et leur développement économique (1).
Ce Tiers Monde unique ou multiple n’est pas géographiquement aussi circonscrit que le terme désignant cet ensemble de pays en développement, situés grosso modo au sud des pays développés, pourrait le donner à penser à un observateur, incité par là à prendre quelque distance à l’égard d’un problème considéré dès lors comme marginal, lointain, secondaire. Pour appréhender le Tiers Monde, point n’est besoin de traverser les mers pour se rendre sur son terrain d’origine. Le « Sud » est déjà parmi nous. Il suffit pour s’en persuader d’ouvrir les yeux sur les réalités de notre vie quotidienne. Il y aurait quelque inconséquence, sinon hypocrisie, à préconiser un nouvel ordre plus équitable à l’égard d’un ensemble de pays regroupant plus de deux milliards d’êtres humains considérés dans leur abstraction statistique et leur éloignement géographique, tout en se refusant à amorcer le dialogue, réel, qui peut s’instaurer avec ceux de leurs représentants qui apparaissent, à l’évidence, les plus proches de nous puisqu’ils vivent parmi nous. Ils seraient, en France, deux millions environ, si l’on s’en tient aux allogènes originaires des pays du « Sud ».
Le terme d’allogène, tel qu’il est employé tout au long de ce texte, nous a semblé, dans son acception la plus traditionnelle, évoquer assez fidèlement la notion à laquelle nous entendions nous référer pour désigner un être humain « d’une autre race ». C’est en effet la définition donnée par le Petit Larousse Illustré pour le terme allogène. Encore faudrait-il, bien sûr, définir le mot race. Nous considérerons que les étrangers résidant dans notre pays, originaires des pays du « Nord » doivent, quant à eux, être exclus de notre analyse, notamment les ressortissants des États partenaires, présents et même futurs, de la France, au sein de la Communauté Économique Européenne. Malgré les insuffisances structurelles de l’intégration entre les États-membres, la communauté, au moins partielle, du patrimoine culturel, ainsi que l’uniformisation des niveaux et des genres de vie, accentuent progressivement les ressemblances, tandis que les deux principes de libre circulation et de libre établissement tendent à assimiler les mouvements d’un pays à l’autre à de simples migrations intérieures. Un indice révélateur de la différence des problèmes posés par les populations migrantes d’origine européenne et les populations migrantes d’origine non européenne (les Turcs étant situés dans la seconde catégorie pour des raisons ethno-culturelles assez évidentes) nous est fourni par la différence des taux d’intervention des services sociaux officiels ou privés ayant vocation à prendre en charge les problèmes spécifiques des familles étrangères. Ces instances diverses sont sollicitées presque exclusivement par des représentants de la seconde catégorie, démontrant ainsi, au moins implicitement, l’insertion satisfaisante de la première dans un système social et administratif qui ne manque pourtant pas de complexités capables de mettre parfois dans l’embarras même les ayants droit (prestations sociales, scolarité) ou les assujettis (fiscalité, réglementation) d’origine française !
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