La Russie de Vladimir Poutine est engagée dans une confrontation majeure non seulement avec l’Ukraine, mais aussi avec les pays se réclamant de la démocratie et de l’Occident. Ceux-ci n’ont pas vu, ou voulu voir, les évolutions du régime totalitaire de Poutine aux ambitions impérialistes.
Vivre avec la Russie ?
Living with Russia?
Vladimir Putin’s Russia is engaged in a major confrontation not only with Ukraine but also with countries claiming to represent democracy and the West. The latter did not see—or chose not to see—developments within Putin’s totalitarian regime towards imperialist ambitions.
La guerre contre l’Ukraine déclenchée par la Russie le 24 février 2022 a déjà et aura des conséquences stratégiques et géopolitiques majeures. Plus encore que les attentats du 11 septembre 2001, c’est une rupture profonde dans l’ordre international tel qu’il avait émergé en 1991 avec la disparition de l’URSS. La guerre continue à l’heure où j’écris, et la plupart des experts prévoient un conflit long. Les conséquences économiques et géopolitiques de la guerre se dessinent déjà avec plus ou moins de certitude.
Côté certitude, une crise alimentaire massive – le secrétaire général de l’ONU a parlé d’un « ouragan de famine » –, le ralentissement de la croissance mondiale et la stagflation. Côté incertitude, l’évolution de la Chine et du bloc antioccidental que Vladimir Poutine tente de constituer, et qui a commencé à se traduire par le refus de plusieurs pays de condamner l’agression russe. Il est pour l’instant difficile de faire la part de l’attentisme et de l’hostilité dans l’attitude de ces pays. Quant à la Chine, elle hésite entre son « amitié éternelle » avec la Russie, et le souhait de mettre fin aux dommages infligés par la guerre à une prospérité qui repose sur l’expansion du commerce mondial et, en particulier, les échanges avec l’Occident. De sorte que les communistes chinois pourraient rapidement être importunés par l’aventurisme du petit frère russe. Cela dit, le grand dessein de Vladimir Poutine, de prendre la tête d’une désoccidentalisation du monde (1), n’est peut-être pas entièrement irréaliste, compte tenu du ressentiment de beaucoup de pays face aux dommages collatéraux de la mondialisation, identifiée au monde anglo-saxon, du désenchantement des démocraties, affaiblies par la défiance à l’égard de la politique et les discordes sociétales et, last but least, du malaise profond des États-Unis, divisés à l’intérieur et incertains de leur rôle international.
Ce tableau d’ensemble déborde mon sujet, mais je voulais le rappeler car il est la toile de fond ou, mieux, la caisse de résonance de la question que je traite dans cet article : la nature du régime de Poutine, tant qu’elle détermine les conditions dans lesquelles l’Ukraine et les autres nations d’Europe devront cohabiter avec la Russie.
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