L'auteur ayant passé de nombreuses années au Japon, il est une des personnalités françaises connaissant le mieux ce pays qui nous pose actuellement de nombreux problèmes. Mais le Japon lui-même est placé en Asie dans une situation qui n'est pas sans inconvénients.
Le Japon et l'Asie
De nos jours, la télévision, la presse et les conversations font, dans les commentaires de l’actualité, une place un peu plus grande pour le Japon que ce n’était le cas au début des années 1970. Cependant l’effort auquel on assiste consiste plus à spéculer sur les problèmes que le Japon nous pose qu’à chercher à comprendre ceux qui se posent au Japon. Comme il est concevable, on va d’abord au plus pressé. Il faut tout de même regretter que, trop souvent, on se contente de l’examen restreint des premiers problèmes qui se présentent. Deux mouvements se sont fait particulièrement remarquer : un qui prend pour argument la rivalité industrielle et commerciale, un autre qui cherche les raisons de ce qu’on a appelé le miracle économique japonais et qui comporte des efforts tantôt pour comprendre les choix industriels, tantôt pour découvrir les caractères particuliers de la gestion à la manière japonaise. Malgré tout, ces deux mouvements privilégient absolument les questions économiques. Or, il est difficile de comprendre les difficultés auxquelles les Japonais doivent isolément faire face, si on ne consacre pas un minimum de réflexion aux questions politiques.
L’Asie est la première région du monde dans laquelle le Japon a recommencé à jouer un rôle politique après la guerre. Le pacifisme de ses nouveaux principes et le souci de restaurer ses forces industrielles et commerciales le plus rapidement possible, en échappant aux contraintes politiques chaque fois qu’il le pourrait, ont fait adopter au Japon le principe de la séparation de la politique et de l’économie. Ce principe convenait bien à la tradition de libéralisme marchand, visant à garder les affaires à l’abri des interférences du pouvoir, qui est celle des entreprises commerciales d’Osaka. Pendant la guerre, le centralisme dirigiste de l’économie de crise n’avait surmonté qu’assez tard les résistances des entreprises, allergiques au contrôle. L’échec des militaires permit à ces dernières de s’émanciper de l’administration avec plus d’arrogance que par le passé, en tout cas pour toutes celles qui ne dépendaient pas des marchés de l’État. La séparation de la politique et de l’économie convient à un pays dans lequel l’administration craint les entreprises plus que celles-ci ne la craignent. Toutefois le Japon s’engagea insensiblement dans une politique d’aide à l’Asie, à la demande des Américains, après la guerre de Corée.
Par la suite, on a pu observer certains efforts du gouvernement japonais pour lier intelligemment la politique à l’économie, malgré l’affirmation du principe en cause, par exemple en Chine pour la protection des intérêts japonais privés, mais on ne peut s’en étonner puisque, dans ce pays, les Japonais se sont trouvés en présence d’un État qui centralisait fortement toutes les relations avec les étrangers. Il en a été de même dans les États associés du Sud-Est asiatique, à partir de l’époque toute récente où le Japon a pesé les responsabilités qu’il aurait à prendre dans le cas où une communauté maritime de l’océan Pacifique, dont l’existence pour lui aurait des avantages, se formerait dans un ensemble de nations dispersées.
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