Cette photo de l’artiste croate Sanja Ivekovic, réalisée en 1978, devient rapidement une sorte de manifeste artistique de la jeunesse européenne cloîtrée derrière le mur de Berlin : une jeune femme jouit de sa liberté et fait fi des interminables défilés instaurés par un régime autoritaire, lequel n’hésite pas à manifester sa puissance auprès de la population. Cette jeunesse, capable de s’exposer en face et en silence, créative et défiante, formait une résistance capitale à l’idéologie communiste imposée. La photo était reproduite et circulait au sein de tout le bloc de l’Est.

La Yougoslavie était alors un pont entre l’Europe libre et l’Europe oppressée par le joug soviétique. La Yougoslavie, également lieu de guerres européennes sanglantes au début et à la fin du XX^e siècle, est devenue paradoxalement un espace propice à la circulation des idées de liberté et de créativité européenne. L’histoire des pays de l’ancienne Yougoslavie est complexe et nous ne nous y attarderons pas. Le récit des guerres balkaniques a fait l’objet de nombreuses études historiques et géopolitiques et nous laisserons les spécialistes les décrire.

En revanche, il peut être stimulant d’entrouvrir la page d’histoire consacrée à la place singulière qu’a jouée la Yougoslavie dans la circulation des idées européennes et des échanges entre les deux univers européens coupés par le Mur. Rappelons que, bien qu’appartenant à l’espace communiste, la Yougoslavie ne participait pas au pacte de Varsovie, ce qui fut une des principales distinctions avec l’URSS et les pays socialistes de l’Est. À la croisée de multiples chemins, l’espace yougoslave gardait une certaine autonomie et un lien avec des pays occidentaux. L’objet de cette réflexion consiste à illustrer quelques illustrations de ces échanges entre l’Est et l’Ouest, en particulier en prenant comme exemple certains des dialogues artistiques qui alimentaient la résistance au sein des pays communistes.