La guerre en Ukraine a engendré une modification des flux énergétiques au détriment des gazoducs terrestres avec le recours au Gaz naturel liquéfié (GNL) et à la voie maritime pour son transport. De fait, la Méditerranée redevient une plaque centrale pour les hydrocarbures, d’où un besoin accru de sécurisation de cet espace maritime très convoité.
La France et l’Europe face à la décontinentalisation des flux énergétiques
France and Europe Face Importation of Energy from Offshore
The war in Ukraine has precipitated a change in energy flow: a move from land-based gas pipelines to LNG shipped by sea. The Mediterranean is once again becoming a focal point for hydrocarbons, hence an increased need for securing this highly coveted sea area.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a entraîné de nombreuses conséquences stratégiques, aux plans diplomatique, militaire, mais aussi économique. Alors que la domination de la Russie sur de nombreuses chaînes de valeur industrielles et alimentaires est apparue au grand jour à l’occasion de ce conflit, c’est bien entendu dans le domaine énergétique que les répercussions ont été les plus immédiates ainsi que les plus profondes. Alors que les Européens se demandent encore s’ils pourront passer l’hiver sans pénuries de gaz ou d’électricité, il importe de regarder cette question avec un regard plus lointain, en particulier sur les répercussions quant aux différents flux énergétiques à destination de l’Europe, continent peu doté en hydrocarbures – moins de 1 % des réserves mondiales de gaz et de pétrole – mais très important consommateur.
Alors que jusqu’ici l’approvisionnement du continent européen se réalisait suivant une logique à la fois terrestre et maritime, au travers notamment des infrastructures fixes que sont les oléoducs et gazoducs, l’évolution actuelle du panorama des sources d’énergie fait apparaître une maritimisation plus poussée, en particulier pour des raisons de flexibilité stratégique. Aux côtés des zones d’approvisionnement historiques comme le golfe Arabo-Persique et la Méditerranée, d’autres territoires voient leur importance se renforcer, à l’image de l’Atlantique, engendrant de fait des conséquences importantes en termes de sécurisation des flux.
Le retour de la Méditerranée comme plaque centrale des hydrocarbures ?
Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la question des approvisionnements énergétiques des pays européens pouvait être considérée suivant une diagonale Londres-Istanbul. Les pays à l’ouest de celle-ci avaient majoritairement tendance à se tourner vers des pays méditerranéens, africains et moyen-orientaux pour le pétrole et le gaz, alors que les pays à l’Est de celle-ci étaient majoritairement dépendants de la Russie. La fin programmée des approvisionnements russes – avec du moins des exceptions temporaires pour certains pays comme la Hongrie et la Slovaquie – repositionne la Méditerranée comme un territoire majeur pour l’ensemble de l’Europe cette fois. Même si les pays méditerranéens ne sont, à l’exception de la Libye toujours plongée dans l’incertitude et de l’Algérie dont la production ne cesse de décroître, pas de grands acteurs pétroliers, leur importance ne cesse de s’affirmer dans le gaz. Même si l’Algérie est reliée par gazoducs à l’Espagne et à l’Italie, c’est le gaz naturel liquéfié (GNL) qui devient la nouvelle tendance de production méditerranéenne, tiré par les découvertes en Méditerranée orientale. L’accord tripartite UE-Israël-Égypte de juin 2022 destiné à exporter le gaz israélien vers l’Europe depuis les terminaux égyptiens est emblématique de cette nouvelle situation. Chypre se tourne également vers le GNL pour les futures exportations du champ d’Aphrodite, en attendant peut-être la réalisation d’ici quelques années du gazoduc EastMed. La zone méditerranéenne se révèle en effet, depuis les découvertes de la seconde moitié des années 2000, comme un territoire relativement riche en gaz, avec des réserves estimées aux alentours de 6 800 milliards de m3 (Mm3) (1), soit environ la moitié des réserves nord-américaines.
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