La temporalité du contexte géopolitique oblige à accélérer les processus de modernisation des systèmes de la Marine. Il s’agit de trouver de nouveaux modes d’innovation. L’idée est de booster des capacités comme les drones ou les armes à énergie dirigée. Cela exige toutefois plus de réactivité et une prise de risque.
Contexte géopolitique et innovations technologiques : drones et armes à énergie dirigée
The Geopolitical Context and Technological Innovation: Drones and Directed Energy Weapons
The current rapid changes in geopolitics mean we need to speed up the process of modernisation of the Navy’s systems. New modes of innovation need to be found, with the aim of boosting capabilities such as drones and directed energy weapons. At the same time, that requires greater reactivity and risk-taking.
En 2017, l’amiral John Richardson, alors chef des opérations (CNO) de l’USN (United States Navy), publie un essai intitulé The future Navy, remarquable appel à l’action, appel à profondément changer l’USN. Richardson y souligne notamment que la seule construction navale ne permettra pas de conserver l’avantage sur les compétiteurs et ennemis de l’USN. Cet aveu est un véritable changement de paradigme pour l’USN qui considérait jusqu’alors que sa capacité à opérer dépendait essentiellement de son format et avait ainsi orienté son approche capacitaire à la conquête de ressources permettant de sécuriser un nombre de plateformes. Au lieu de cela, le CNO appelle à davantage d’innovation afin que les nouveaux équipements, les nouveaux types d’opérations et les nouveaux concepts puissent être intégrés plus rapidement au sein de la flotte. Selon lui la construction navale pourrait apporter de nouvelles capacités différentiantes à l’horizon 2040, néanmoins l’innovation est en mesure de fournir des capacités équivalentes à l’horizon 2025.
La temporalité, et ce n’est pas un néologisme, est donc au cœur de l’innovation. Rien de nouveau pourrait-on dire : en cent cinquante ans, la Marine nationale (MN) est ainsi passée de la propulsion vélique à la propulsion vapeur puis nucléaire et s’est approprié la maîtrise des technologies sous-marines, aéronavales, électromagnétiques… L’institution est donc rompue à l’adaptation et à l’innovation. Il est intéressant de noter que ces adaptations se sont faites sur des périodes de vingt à vingt-cinq ans, or cette périodicité est aujourd’hui insuffisante. La loi de Moore affecte en effet virtuellement tous les compartiments de la science et de l’industrie, la numérisation a par ailleurs un effet nivelant qui bénéficie surtout à nos compétiteurs qui sont ainsi en mesure d’acquérir de réelles capacités militaires, rapidement et à moindre coût. De ce fait, pour « rester devant », tout comme l’USN, la MN doit raccourcir son cycle d’innovation, ce qui implique de révolutionner l’approche capacitaire qui a prévalu jusqu’ici : celui d’une technologie associée à une plateforme. Ce modèle « ne tient plus », car il s’agit désormais d’incorporer très rapidement des nouvelles technologies à des plateformes qui ont des durées de vie quatre à cinq fois supérieures à la durée du cycle d’innovation ; et cela doit être pris en compte dès la conception des plateformes, faute de quoi, la MN pourrait se trouver prisonnière d’un modèle suranné. Quelle est donc la nature de cette innovation appelée de nos vœux et susceptible de maintenir la MN au contact de ses compétiteurs ? Il ne s’agit in fine de rien d’autre que de l’ajout de « petites capacités » dotées d’un fort effet de levier à même de décupler les capacités militaires des plateformes en service : ce sont les boosters de capacités.
Avant de poursuivre, il importe de prendre le temps de définir ce que l’on entend par « booster de capacités » et quelles sont les conditions pour pouvoir y avoir recours. Ce travail de taxonomie réalisé, les propos seront illustrés par deux cas concrets que sont les armes à énergie dirigée (AED) et les munitions téléopérées (MTO).
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