Editorial
Éditorial
Après 250 jours de batailles depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine, le retour de la guerre de haute intensité oblige à revoir l’ensemble de notre façon d’envisager les conflits de demain, entre hybridité et usage aveugle de la force brute. De nouvelles approches sont désormais nécessaires pour à la fois comprendre les bouleversements géopolitiques accélérés depuis le 24 février 2022 et adapter notre défense pour y faire face. Sans pour autant se limiter à ne prendre en compte que les enseignements tirés des combats à l’est de l’Ukraine, car ce serait une erreur stratégique que de ne se focaliser exclusivement sur ce théâtre.
C’est ainsi que le dossier de ce mois propose plusieurs pistes de réflexion autour des évolutions nécessaires de notre écosystème de défense. Ainsi, la défense opérationnelle du territoire qui avait été mise en sourdine après la disparition de la menace soviétique redevient une exigence opérationnelle alors même que de nombreux « déserts militaires » ont de fait vu disparaître en métropole la présence de nos armées. Dans certains départements, seul le délégué militaire départemental avec sa petite équipe maintient un semblant d’armées. C’est d’ailleurs un des enjeux pour la Gendarmerie nationale – dont la militarité est vitale et essentielle – que d’assurer en même temps cette permanence militaire et le maintien de l’ordre public, alors même que celui-ci est de plus en plus contesté par des manifestants ou des groupes hostiles à l’État et à ses représentants.
Autre leçon brutalement imposée par le 24 février, le passage à une « économie de guerre ». Avec les « dividendes de la paix », il est vrai que notre BITD avait dû s’adapter et s’inscrire dans des schémas économiques marqués par les flux et la diminution des budgets. Au point de maintenir parfois le juste nécessaire pour conserver des savoir-faire précieux. Or, l’accroissement des menaces polymorphes oblige désormais à revoir à la hausse nos besoins, mais aussi de travailler différemment pour affermir notre souveraineté stratégique largement mise à mal ces dernières décennies. La crise sanitaire commencée en janvier 2020 avec la Covid-19 et maintenant la guerre en Ukraine ont révélé nos faiblesses et nos lacunes mettant à mal notre capacité à assurer notre indépendance, tant au niveau national qu’européen. Cela oblige à revoir le fonctionnement de la BITD pour être plus réactif, plus productif et donc plus efficace.
Cette accélération du tempo géopolitique se fait dans une recomposition « multipolaire » du monde comme l’ont démontré les « Conversations de Gouvieux » de juillet. Au tragique du monde, il faut désormais faire face et accepter simultanément la remise en cause des équilibres internationaux, mais aussi le besoin et l’exigence absolue de préparer notre défense à relever ces nouveaux défis, sous peine un jour de devoir revivre le tragique de l’histoire.
Celle-ci revit ce mois-ci avec deux épisodes indispensables à être relus avec acuité : le 80e anniversaire du sabordage de la Flotte à Toulon, où l’aveuglement ne permit que de sauver l’honneur et le 60e anniversaire de la crise des missiles de Cuba, où le sang-froid, associé à la fermeté permit d’éviter l’apocalypse. ♦