Après des décennies dédiées aux Opex, les armées françaises pourraient se retrouver face à un conflit de haute intensité en Europe, conséquence possible de la guerre en Ukraine. Il importe donc de réfléchir aux implications d’une telle mutation de la conflictualité et d’en tirer les enseignements notamment doctrinaux.
Quelles implications doctrinales d’un conflit de « haute intensité » en Europe ?
Doctrinal Implications of High-Intensity Conflict in Europe
After decades of overseas operations, French armed forces could find themselves facing high-intensity conflict in Europe as a possible consequence of the war in Ukraine. It is therefore important to consider the implications of such a change in the style of conflict and from them draw lessons, particularly regarding doctrine.
La « guerre de haute intensité » est de retour en Europe, et elle revient de loin. À vrai dire, nul n’en avait vraiment parlé depuis 1945, plus ou moins écartée par la dissuasion nucléaire, et d’abord par celle de l’Otan, c’est-à-dire des États-Unis.
En 1954, durant l’Administration Eisenhower, John Foster Dulles, Secrétaire d’État, s’était déclaré, lors d’un discours public, en faveur d’une riposte centrale en appui aux moyens de défense locaux, dans l’hypothèse d’une offensive communiste massive : l’Europe, où la supériorité des moyens conventionnels soviétiques n’était guère contestable, était au cœur des préoccupations américaines. Du moins en apparence, car le véritable objectif d’Eisenhower était d’éviter une confrontation potentiellement coûteuse en vies américaines, si peu de temps après le retour des boys au pays. La doctrine des massive retaliations tendait donc, surtout, à épargner aux jeunes Américains un conflit majeur en Europe, conformément à la doctrine de George Kennan : celle du containment, contre celle du Roll-back qui avait valu à George Patton d’être relevé de son commandement.
À cette fin, il parut à John Kennedy que la stratégie des massive retaliations avait entraîné un affaiblissement excessif des forces conventionnelles sans pour autant accroître la crédibilité de l’engagement nucléaire américain : sa réaction consista dans une inflexion doctrinale en faveur de la flexible response, incluant désormais les forces conventionnelles dans le dispositif de dissuasion : les Bérets verts auraient désormais leur place dans la mise en œuvre d’une doctrine de riposte globale, incluant la « contre-insurrection », à cette époque au Viêt-Nam.
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