L’humour et la bravoure sont souvent très utiles en temps de guerre. Ils permettent une certaine distanciation avec le tragique des événements et servent de « respiration » face à l’absurde. Le conflit en Ukraine voit les Ukrainiens faire preuve d’une très grande résilience grâce, notamment, à un sens aigu de l’humour.
L’esprit et la bravoure : armes de résistance et de reconstruction massive
Spirit and Bravura: Weapons of Mass Resistance and Reconstruction
Humour and bravura are frequently of great value in times of war. They allow us to step back from the tragedy of events and offer a breathing space when facing the absurd. In the conflict in Ukraine we are seeing tremendous resilience among Ukrainians, in particular thanks to their sharp sense of humour.
L’humour est un trait d’esprit qui consiste à dégager avec finesse des aspects plaisants ou insolites d’une réalité avec un certain détachement. Il utilise surtout la dérision, cette forme subtile du mépris qui permet de se moquer d’un fait, d’une situation absurde ou d’une conjoncture grave. Il peut revêtir une dimension salvatrice dans les moments dramatiques de la guerre où son action permet de remonter le moral d’une population et des troupes, et les aider à supporter les tracas, voire les horreurs, de la vie quotidienne. Il devient ainsi une véritable arme de reconstruction psychique sur le « front du mental ».
Le théâtre de l’humour dans les guerres mondiales
Pendant la Première Guerre mondiale, les autorités militaires ont organisé pour les soldats des spectacles de détente à l’arrière du front dans le but de rétablir le tissu moral des combattants affaiblis par leurs conditions de vie épouvantables. Pendant ces épisodes de détente, l’humour restait l’ingrédient majeur pour tourner en ridicule le contexte bouleversant des affrontements. L’objectif recherché était de faire rire les « poilus » afin qu’ils oublient les atrocités de la guerre pendant ces instants de repos. Durant ces intermèdes de répit, « le théâtre de l’humour » proposait aux soldats des comédies grivoises, des chansons paillardes et des sketches comiques. Les organisateurs de ces parenthèses d’enchantement ne lésinaient pas sur les moyens : il n’y avait pas seulement des pitres professionnels spécialistes de la raillerie, mais des acteurs célèbres jouaient aussi des pièces sur des tréteaux improvisés contribuant à leur façon à l’effort de guerre.
Parmi ces artistes bénévoles, la grande tragédienne Sarah Bernhardt a marqué les esprits. L’actrice, surnommée « la divine », pour son immense talent, avait déjà manifesté des sentiments humanitaires et patriotiques très forts pendant la guerre de 1870 où, durant le siège de Paris, alors âgée de 26 ans, elle s’était portée volontaire pour soigner des blessés dans l’enceinte du théâtre de l’Odéon, transformé en hôpital militaire. Quatre décennies plus tard, les prestations saisissantes de ce monstre sacré des planches sur les scènes de fortune montées dans les sites de délassement pour les combattants étaient d’autant plus émouvantes qu’elle jouait en position assise dans un fauteuil. L’illustre interprète des plus grandes tragédies de la littérature classique avait été amputée d’une jambe en 1915, à 71 ans, suite à une tuberculose osseuse. Les soldats, spectateurs attentifs, étaient médusés et captivés par l’extraordinaire force morale de cette icône artistique à la diction prenante et qui tournait devant eux son handicap en dérision.
Il reste 77 % de l'article à lire
Plan de l'article