La doctrine nucléaire nord-coréenne reste complexe à décrypter tant la transparence n’est pas une vertu première du régime de Kim. Cependant, certains éléments permettent de comprendre les ambivalences de la dissuasion voulue par Pyongyang, avec beaucoup de gesticulations et de déclarations comminatoires.
Les ambivalences de la doctrine nucléaire nord-coréenne
Ambivalences in North Korean Nuclear Doctrine
Deciphering North Korean nuclear doctrine remains a complex exercise given that transparency is hardly one of the Kim regime’s prime virtues. A number of elements allows us to understand ambivalences in Pyongyang’s vision of deterrence—one accompanied by much tirade and gesticulation.
De la guerre de Corée aux années 1990, la République populaire et démocratique de Corée (RPDC) fustige le monopole de la violence atomique détenue par les États dotés de l’arme nucléaire (EDAN). Pyongyang imite en cela l’ancienne posture maoïste, moquant les « tigres de papier », dont la bombe atomique était parfois la composante. Mais au début des années 1990, le pays annonce qu’il possède de quoi assembler une première bombe. Sa doctrine de dissuasion nucléaire, alors non légalisée, se limite à de vindicatives menaces de frappes, principalement envers les États-Unis. Lorsque le Royaume ermite « accueille » son premier essai officiel en octobre 2006, il n’existe toujours pas de doctrine officielle, peut-être parce que d’autres tests s’avèrent nécessaires. Pourtant, d’ordinaire, chaque EDAN, une fois la première bombe testée, s’empresse de publier sa doctrine.
Celle de la RPDC n’est finalement inscrite dans la constitution que le 1er avril 2013, après le troisième test atomique. Désormais, par la « loi sur la consolidation de la position de l’État nucléaire d’autodéfense » (1) votée par l’Assemblée populaire suprême (APS), le pays du Juché se prétend EDAN et explique comment et dans quel contexte il fera usage de la bombe. Mais parce que sa communication sonne faux, le pays poursuit, faute de mieux, sa « coercition discursive » (2) faite de menaces, de métonymies et d’hyperboles, le tout associé à des essais atomiques et balistiques, parfois réels, parfois factices. Puis, le 9 septembre 2022, la loi de 2013 est « invalidée » (sic !), Kim Jong-un lui substituant la « loi sur la politique des forces nucléaires » (3).
Jusque-là, pour certains experts, la RPDC entretenait une « politique de dissuasion » (4) à défaut de doctrine. Dans les faits, la différence est ténue. Il est vrai que le régime n’a toujours pas édité de Livre blanc. Mais cela n’est peut-être pas nécessaire, car la dissuasion nord-coréenne repose encore aujourd’hui sur les intentions qu’on lui prête, sur le mensonge de la possession souveraine de l’arme, et sur les menaces qu’elle profère. Le résultat se lit dans les « livres » japonais, américains et sud-coréens notamment, lesquels font office, par procuration, de Livre blanc nord-coréen.
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