Editorial
Éditorial
Chères lectrices et chers lecteurs de la Revue Défense Nationale, français et étrangers, en France et hors de nos frontières, toute l’équipe de la RDN vous souhaite une très bonne année 2023.
L’année 2022 aura été marquée par le conflit en Ukraine, auquel il faut bien le dire nous ne croyions pas, ou plutôt nous nous persuadions qu’il n’était pas possible et que la raison l’emporterait.
Notre Revue s’est efforcée, tout au long de l’année, de vous informer en consacrant une majeure partie de ses pages à comprendre ce conflit. L’architecture européenne de sécurité en Europe, associant la Russie, c’est bien l’avenir que nous nous sommes efforcés d’éclairer grâce à tous les contributeurs qui se sont mobilisés sur de nombreux sujets et que je remercie. Et nous allons continuer.
Ce conflit a déjà trop duré. Il a trop duré pour les Ukrainiens, mais également pour les Russes. Il a trop duré pour les pays européens qui voient leur économie se dégrader et leur autonomie de sécurité se réduire tandis que leur dépendance à l’ami américain s’accroître. Il est temps de trouver une porte de sortie par le haut en reconnaissant que l’Ukraine comme la Russie ont le droit de choisir leur destin et que leurs sécurités respectives doivent être garanties par cette architecture européenne. Nous pourrions consacrer une année de publications de la RDN pour tenter d’expliquer les raisons de l’échec de la construction de cette architecture de sécurité européenne depuis 30 ans, sans pour autant nous entendre sur le verdict, tant les responsabilités sont partagées. Nous devons toutefois reconnaître qu’il y a eu une vraie volonté européenne et russe, mais qu’elles n’ont pas convergé. C’est de cette volonté qu’il faut repartir pour maintenant réussir.
Ce conflit nous a confirmé que sans architecture de sécurité commune, la paix n’est jamais acquise pour longtemps et que la résurgence d’un conflit de haute intensité est toujours possible. Bien sûr, nous pouvons nous rassurer égoïstement en nous disant que les chars russes sont encore loin de notre sol national, mais ce serait oublier que les menaces sont polymorphes et qu’il y a bien d’autres moyens de s’en prendre à notre sécurité et à notre confort : les attaques cyber et les entraves à nos approvisionnements énergétiques n’en sont que quelques échantillons.
Ce conflit nous rappelle que celui qui veut gagner la paix doit accepter de préparer la guerre, ne serait-ce que pour « gagner la guerre avant la guerre » pour reprendre les termes du Chef d’état-major des armées dans les pages de ce numéro consacré à l’influence. Car nous aurons toujours un adversaire, celui qui « cherche à nous imposer sa volonté », dès le stade de la compétition.
Ce conflit nous enseigne que notre outil de défense n’est pas encore suffisamment adapté aux différentes formes de menaces que nous avons vu surgir en Ukraine et qu’il doit constamment évoluer. Pour autant, il serait illusoire de penser que ce conflit remet en cause les choix que nous avons faits jusqu’à maintenant. Il faut à la fois continuer à renforcer nos capacités de haute intensité, face à un adversaire mettant en œuvre un arsenal hautement technologique, tout en étant capable de se défendre contre des menaces qui le sont moins, voire de les utiliser ! Il serait surtout illusoire de penser que la guerre de demain ne se fera que dans les nouveaux espaces, notamment ceux qui sont immatériels et que nous pouvons cesser de construire des avions, des navires de guerre et des chars.
Ce conflit nous révèle enfin que la défense ne repose pas seulement sur les militaires des Armées, mais sur la Nation tout entière. C’est la leçon de courage efficace que nous a donnée le peuple ukrainien. Les forces morales de la Nation doivent être mises en œuvre en permanence, pas seulement lorsque le pays est attaqué. Elles contribuent à la crédibilité de notre outil de défense, dont la fonction première est de persuader l’adversaire qu’il ne parviendra pas à nous imposer sa volonté. Cette restauration des forces morales passe par de nouvelles relations avec nos industriels de défense, une meilleure organisation de notre réserve opérationnelle, mais surtout une vraie politique de développement de l’esprit de défense qui doit commencer par une implication de l’ensemble des ministères et pas seulement celui des Armées. La Revue Défense Nationale a un rôle à y jouer, elle doit pour cela être plus et mieux diffusée, tout en étant accessible au plus grand nombre de nos concitoyens et pas uniquement aux spécialistes de la défense. C’est le défi que je nous donne pour 2023.
Je vous souhaite une très bonne année, à vous et à ceux qui vous sont chers dans la confiance en l’avenir. ♦