Le champ informationnel est devenu central dans la compétition stratégique. L’influence est désormais une composante majeure pour nos opérations, d’autant plus que les technologies numériques accélèrent le tempo opérationnel. La fonction « Influence » est essentielle et indispensable.
Pas de stratégie sans influence, pas d’influence sans stratégie
No Strategy Without Influence, no Influence Without Strategy
Information has become central to strategic competition. Influence is now a major component of our operations—increasingly so, given that digital technology is accelerating operational tempo. The influence function is a basic necessity.
La guerre entre États est toujours un désastre aux conséquences néfastes pour toutes les parties. Bâtir une stratégie de puissance, au sens de la « capacité d’une unité politique [à] imposer sa volonté aux autres unités (1) », en se préparant exclusivement à l’affrontement est donc un non-sens stratégique. Surtout, c’est oublier que la compétition est l’état normal de la relation entre États. Comme le décrit la Vision stratégique du chef d’état-major des Armées (2) publiée en 2021, ceux-ci cherchent d’abord à agir efficacement dans le champ des perceptions pour atteindre leurs objectifs stratégiques et politiques sans avoir nécessairement recours à une confrontation armée. Ce faisant, ils évitent les procédés mortifères et contournent les blocages dus à la puissance des armements, en particulier pour les États dotés d’armements nucléaires.
D’ailleurs, de façon plus générale, Clausewitz enseigne qu’à la guerre « nous cherchons à contraindre l’adversaire à se soumettre à notre volonté (3) ». Pourquoi tenter d’y parvenir en se limitant aux moyens cinétiques ? Ne peut-on pas influencer l’ennemi pour que celui-ci change d’avis, se soumette et renonce à l’affrontement ? Dans les armées françaises, l’influence est le « fait d’obtenir des effets sur les attitudes et les comportements en agissant sur les perceptions (4) ». Le panel des options pour engendrer ces changements d’états va des effets cinétiques et destructeurs classiques aux effets dans le champ informationnel. Les premiers induisent indirectement des modifications des perceptions. Les seconds épousent plus directement dès leur conception les logiques propres aux domaines immatériels.
L’influence n’est pas une idée nouvelle. Avec Sun Tzu, nous savons depuis longtemps que « parvenir à battre son adversaire sans l’avoir affronté est la meilleure conduite (5) ». Dans les armées françaises, les guerres de contre-insurrection menées au sein des populations ont conduit à prendre en compte l’influence dans un corpus doctrinal se sédimentant au fur et à mesure des retours d’expérience et des innovations tactiques. D’un point de vue organisationnel, la création du Centre interarmées des actions sur l’environnement à Lyon en 2012 procède du même souci de professionnalisation de ce domaine, intuitivement intégré dans les opérations militaires depuis longtemps. L’audience prioritaire des actions d’influence était constituée par les populations, car il fallait favoriser l’acceptation de la force. Ainsi, des actions civilo-militaires de tout genre (radio communautaire, réfection de ponts ou d’écoles, distribution de fournitures scolaires) ont été développées en appui de la manœuvre globale.
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