L’introduction de la notion de continuum dans le Livre blanc de 2008 a marqué une rupture conceptuelle dans le champ de la défense. La problématique porte alors sur la belligérance et sa définition dans le cadre juridique avec un risque de confusion avec la criminalité de droit commun.
La belligérance, rupture ou continuum ?
Belligerance, Rupture or a Continuum?
The introduction of the notion of continuum in the 2008 Livre Blanc (Defence white paper) marked a significant break with previous concepts of defence matters. The problem at the time related to belligerance and its legal definition, together with a risk of confusion with common-law crime.
En rupture avec ses prédécesseurs, mais s’inscrivant dans la dynamique conceptuelle portée au niveau de l’Union européenne (1), le Livre blanc de 2008 a accolé le terme de sécurité à celui de défense et a ainsi ouvert la voie en France à la notion de continuum entre ces deux domaines.
Historiquement, en effet, ces deux notions ne semblaient pas complémentaires, sinon parfois même radicalement exclusives l’une de l’autre, au moins tacitement, sinon explicitement : la sécurité ? c’est à l’intérieur ; la défense ? à l’extérieur. Et cette opposition de concepts se prolonge dans l’opposition classique entre le droit commun et le droit de la guerre, qui traduit aussi l’opposition entre le criminel, relevant du premier et le belligérant, objet du second. Cette distinction formelle entre extérieur et intérieur trace ainsi depuis longtemps en droit français une ligne claire entre d’une part, l’action policière et civile à l’intérieur et d’autre part, l’action militaire qui ne tire sa spécificité que par l’emploi de la force sur ordre à l’extérieur de nos frontières (2). Or, la notion de continuum supposerait au contraire une frontière poreuse, voire une cohérence plus flagrante entre les sphères de la sécurité et de la défense, ce que semble confirmer le triptyque compétition-contestation-affrontement (3), nous y reviendrons.
Historiquement toujours, ce passage de l’un à l’autre ne va pas non plus de soi. Il n’est pas aisé pour la puissance publique de « reconnaître » la belligérance – étant entendu que cette responsabilité n’incombe pas au juge qui reconnaît quant à lui les criminels et ceux qui ressortent du droit commun. Reconnaître un belligérant, c’est de fait s’extraire du cadre du droit commun dans lequel la notion de sécurité se déploie pour entrer dans celui du droit de la guerre, plutôt pré carré de la défense. Reconnaître la belligérance, c’est reconnaître la guerre. Et notre époque témoigne que tout est fait pour éviter cela. La guerre ne serait plus et aurait cédé sa place à des « états de violence » (4) dans lesquels il paraît normal pour certains de privatiser tout ou partie des moyens de la mener, jusqu’à se ranger derrière le vocable « d’opération militaire spéciale » (5). La résistance au passage du cadre habituel au cadre exceptionnel est si forte que seul l’inverse se produit : la guerre se déploie dans la sphère commune, sans jamais l’admettre, non pas de jure, mais de facto (6).
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