Nourrir sa population reste une préoccupation pour tout État qui se respecte. Or, la situation alimentaire mondiale est toujours critique. Le paradoxe est que l’Europe renonce de plus en plus à son agriculture pour des raisons s’appuyant sur des raisonnements idéologiques et faussés. De fait, sous prétexte de protection environnementale, la France va perdre son autonomie agricole.
Agriculture : ne nous désarmons pas !
Agriculture: Don’t Disarm Us!
Feeding its population is a priority for any state worthy of the name. The global food situation nevertheless remains critical. The paradox is that Europe is increasingly giving up its agriculture for reasons based on ideology and distorted logic as a result of which, on the pretext of environmental protection, France is heading to lose its agricultural independence.
L’arme alimentaire a toujours existé dans l’histoire de l’humanité. Tactiques du siège ou de la terre brûlée, blocus, empoisonnements des puits et abattage du bétail, les techniques visant à priver l’adversaire de l’accès à la nourriture pour lui faire rendre gorge sont nombreuses et documentées. Du 10 septembre 1627 au 29 octobre 1628, le cardinal de Richelieu organise pour Louis XIII le siège de la cité protestante de La Rochelle, alliée à l’Angleterre. Elle capitule après la mort de 23 000 de ses 28 000 habitants. Entre septembre 1941 et janvier 1944, les 900 jours du siège de Léningrad par les Nazis provoquent la mort de près d’un million de personnes. En Ukraine, le souvenir de l’Holodomor, la grande famine de 1930-1933, au cours de laquelle Staline organisa l’extermination par la faim d’une population rurale accusée de résister à la collectivisation forcée, galvanise aujourd’hui la nation ukrainienne contre l’invasion russe. En Irlande, le nationalisme anti-anglais se nourrit du souvenir de la Grande Famine (1845-1852), initialement due au mildiou qui ravagea la récolte de l’aliment de base, les pommes de terre, mais aggravée et prolongée par l’indifférence de l’Angleterre qui continua d’exiger des livraisons de nourriture, alors que la population irlandaise mourait de faim. 1 M de morts, 1 M d’exilés et une rancœur persistante dans la mémoire collective, que de nombreuses stèles ravivent sur tout le territoire !
Nourrir son peuple en toute sécurité, c’est la première préoccupation des gouvernements éclairés. L’humiliation indienne face au refus du président Johnson d’envoyer de l’aide alimentaire lors de la grande famine du Bihar de 1965-1966, New Delhi soutenant la rébellion vietminh, motiva le lancement de la révolution verte, qui permit de lever le frein malthusien en Inde, avec la généralisation des variétés à haut rendement de blé, de maïs et de riz. Cette révolution, qui valut le Prix Nobel de la paix à l’agronome Norman Borlaug en 1970, permit d’augmenter considérablement les disponibilités alimentaires mondiales. D’un milliard de tonnes seulement en 1960, alors qu’un tiers des 3,3 Md d’humains souffrait de la faim, la production de céréales est ainsi passée à 2,8 Mdt pour 8 Md d’humains en 2022. Chacun d’entre nous dispose ainsi théoriquement de 30 % de nourriture de plus qu’il y a soixante ans, alors que les surfaces cultivées n’ont augmenté que de 13 % dans le monde. C’est l’accroissement des rendements, par de bonnes semences, le recours aux intrants et l’extension de l’irrigation (55 M d’hectares irrigués seulement dans les années 1960, 280 M aujourd’hui, soit 18 % des terres cultivées, mais plus du tiers de la production) qui ont permis de relever le défi.
Cependant, la pandémie de la Covid-19, l’inflation et la guerre en Ukraine ont accru depuis trois ans l’insécurité alimentaire mondiale, touchant désormais 1 Md les personnes. Un cinquième environ souffre de famines provoquées, minorités politiques périphériques dont le sort préoccupe peu leurs dirigeants, comme au Yémen, au Soudan du Sud, en Somalie ou en Syrie, où le séisme a aggravé la précarité de la région nord. Le reste subit la malnutrition chronique liée à la pauvreté et aux manques de moyens agricoles, en Afrique et en Asie du Sud notamment. L’Inde est ainsi un des premiers producteurs mondiaux de nourriture et le pays où le plus grand nombre de personnes souffrent de la faim.
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