L’armée du silence, histoire des réseaux de Résistance en France 1940-1945
L’armée du silence, histoire des réseaux de Résistance en France 1940-1945
Issu d’une thèse de doctorat, ce livre retrace un pan souvent mal connu et peu documenté de la Résistance : celui des réseaux pilotés par les services secrets de la France libre et des Alliés britanniques et américains pendant la Seconde Guerre mondiale. Dès la défaite de la France en juin 1940, des structures clandestines se sont mises en place, souvent basées sur des individualités fondamentalement hostiles à l’Allemagne nazie et désireuses de poursuivre le combat sous une autre forme après la défaite militaire.
Les priorités absolues ont porté sur les filières d’évasion pour les pilotes alliés abattus au-dessus du territoire français(1), avec notamment le délicat passage de la Ligne de démarcation jusqu’en 1942. Marseille fut la première ville concernée par cette mission, étant en Zone libre. Soit les pilotes étaient transférés vers la Bretagne pour une traversée de la Manche – ce fut l’une des missions principales du réseau Shelburn ; le littoral breton était, en effet, peu peuplé et les marins-pêcheurs, des auxiliaires précieux pour transporter de nuit les exfiltrés vers les vedettes et sous-marins britanniques au large. Soit les pilotes partaient vers le sud en passant par les Pyrénées avec le risque d’un internement par le régime de Franco.
Le renseignement a été également essentiel et particulièrement difficile pour transmettre vers Londres les informations recueillies. Les opérateurs radio clandestins ont ainsi payé un lourd tribut face à la répression allemande, très organisée, s’appuyant sur les écoutes et la localisation par la goniométrie et, bien sûr, sur la dénonciation ou le retournement d’agents doubles.
Pour maintenir les réseaux, la question des financements, des faux papiers et des transferts en France n’a jamais été simple, d’autant plus que la trahison a été courante, les services allemands parvenant à infiltrer les entités résistantes. Les défaillances ont d’ailleurs souvent été dues à un manque de discipline individuelle, voire collective, entraînant les arrestations et très souvent la mort, après la pratique quasi systématique de la torture. Celle-ci fait l’objet d’un chapitre très sombre d’où rejaillit la souffrance inhumaine des suppliciés, témoignant concrètement de la barbarie nazie et de ses affidés.
Un autre aspect soulevé dans l’ouvrage est la concurrence entre tous les services, qu’ils soient britanniques avec le MI6(2), le MI9(3) ou encore le SOE(4), mais aussi américains (OSS(5)) et la France libre s’appuyant sur le Bureau central de renseignements et d’action (BCRA) confié à André Dewavrin(6) (le colonel Passy) par le général de Gaulle dont l’actuelle Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) est l’héritière. Il y a eu un manque de coopération et donc parfois une concurrence délétère dont les Allemands surent tirer profit pour démanteler certains réseaux.
Un des enjeux de ce type d’étude porte sur le mémoriel. En effet, par nature, ce type de Résistance se caractérisait par sa clandestinité et donc sa discrétion, y compris après-guerre, comparé à d’autres mouvements comme les maquis ou les Francs-tireurs et partisans (FTP) avec des ambitions politiques clairement affichées. Des héros et des héroïnes ont ainsi été oubliés de l’histoire et leurs parcours méritent d’être retracés. Ce livre vient combler une lacune en leur rendant un hommage mérité, en particulier aux femmes agents de l’ombre qui n’échappèrent ni à la torture, ni à la mort infligées par des Nazis avec une brutalité extrême. ♦
(1) C’est le thème du film La grande Vadrouille, réalisé en 1966 par Gérard Oury avec Louis de Funès et Bourvil.
(2) Créé formellement en 1909, c’est le service de renseignements extérieurs du Royaume-Uni.
(3) Service secret spécialement chargé d’organiser et d’assister l’évasion et le rapatriement sur le sol britannique de militaires alliés.
(4) Le Special Operations Executive opère de 1940 à 1946 pour soutenir les mouvements de résistance.
(5) L’Office of Strategic Services est l’ancêtre de la Central Intelligence Agency (CIA).
(6) 1911-1998, officier de carrière et Compagnon de la Libération. Il prend en charge le 2e bureau des FFL le 16 juillet 1940, quelques jours après son arrivée à Londres le 1er juillet.