La transition énergétique voulue par l’Union européenne a été fragilisée par la crise commencée par la Russie en envahissant l’Ukraine. Les efforts faits alors pour réduire la dépendance vis-à-vis de Moscou ont permis de renforcer la sécurité de nos approvisionnements et participent à une Europe plus verte et plus sûre.
La sécurité et la transition énergétiques européennes sont les deux faces de la même médaille
European Security and Energy Transition are Two Sides of the Same Coin
The energy transition sought by the European Union has been disrupted by the crisis brought about by Russia’s invasion of Ukraine. The effort made to reduce dependence on Moscow strengthens the security of our supplies and helps towards a greener, safer Europe.
D’abord la crise constitutionnelle, puis la crise de la dette souveraine, la crise migratoire et enfin le Brexit ont peu à peu sonné le glas de l’imaginaire fondateur de l’UE : l’Europe n’a plus d’histoire à raconter. L’argument de la paix sur le continent ne trouve plus d’écho chez les jeunes générations, et celui de la prospérité européenne par le biais du marché et de la monnaie uniques sonne creux alors que les disparités socio-économiques s’accentuent entre États-membres ainsi qu’à l’intérieur de chacun d’eux. Aux yeux de nombreux Européens, plutôt que d’être associée à la croissance, à la solidarité et aux opportunités, « Bruxelles » est devenue synonyme d’austérité, d’inégalité et d’irresponsabilité.
À la fin des années 2010, l’UE a présenté sa nouvelle marque de fabrique : le Pacte vert pour l’Europe. Les avertissements toujours plus pressants de la communauté scientifique, la protestation publique croissante de Fridays for Future, le mouvement fondé par Greta Thunberg, et l’avancée des partis verts lors des élections européennes de 2019 envoyaient tous le même message : il fallait repeindre en vert le drapeau de l’Europe. Au sortir de plusieurs années de crise, le concept d’une Europe verte incarnait une vision normative qui permettrait de lutter contre la crise existentielle induite par le changement climatique anthropogénique, une stratégie de croissance économique qui poursuivrait la décarbonation par le biais de l’innovation, de la création d’emplois, de la capacité industrielle et de la réduction des inégalités, et, enfin, elle représentait une voie vers une Union politique grâce à la promotion d’une cause commune à tous les États-membres et à la reconnexion au public européen, tout particulièrement aux jeunes. En repeignant son drapeau en vert, l’UE avait trouvé la recette qui permettrait de contribuer à sauver la planète tout en ressuscitant politiquement (1).
Pour l’UE, ce Pacte vert était l’occasion de reléguer aux oubliettes les dizaines d’années durant lesquelles nombre de ces citoyens l’avaient considérée comme un objet lointain, sans utilité ni légitimité. Le projet européen, de plus en plus ressenti comme néolibéral ou ordolibéral, en était venu à être associé aux disparités socio-économiques, aux restrictions et aux injustices. Se heurtant aux mêmes critiques que la mondialisation, l’élite bureaucratique et cosmopolite de Bruxelles était devenue le croquemitaine responsable de la plupart des plaies affligeant l’Europe, au lieu de représenter la cristallisation politique et institutionnelle de la paix et de la prospérité sur le continent. Une Europe verte, associée à la fois à l’action climatique et à la croissance, à l’emploi et à la justice sociale, offrait une voie politique permettant de sortir de cette impasse. Si l’UE poursuivait son objectif de neutralité carbone de manière à favoriser la croissance et l’emploi, à réduire les inégalités et à promouvoir l’industrie, elle serait en capacité de réaliser sa vision normative, de protéger citoyens et entreprises, et de réduire le fossé économique créé quand la production industrielle a migré vers l’est et creusé lorsque les États-Unis et la Chine se sont mis à la distancer dans la course au numérique. Si elle y parvenait, l’UE serait bien engagée pour devenir une union politique et, partant, gagner en cohésion et en légitimité.
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