L’espace aérien au-dessus des territoires obéit à des règles de souveraineté précises et s’inscrit dans un cadre de coopération internationale. La mise en œuvre est assurée par chaque État et garantit une sécurité aérienne collective. La guerre d’Ukraine a obligé à un renforcement de la posture défensive face à la Russie.
La souveraineté aérienne et les frontières de la troisième dimension
Sovereignty in the Air and the Limits of the Third Dimension
The airspace above a country is subject to precise rules concerning sovereignty which operate within a framework of international cooperation. Each country manages its own airspace and guarantees collective safety and security in the air. The war in Ukraine has necessitated strengthening of the defensive posture vis-à-vis Russia.
La souveraineté est un principe cardinal dans les relations internationales. Ce concept est souvent utilisé dans un sens politique et est sujet à diverses interprétations. En matière aéronautique, la souveraineté correspond à la propriété de l’espace aérien qui permet à l’État d’y exercer ses pouvoirs législatif, administratif et judiciaire. Elle s’applique à la navigation aérienne prise dans son ensemble et revêt, en matière militaire, une signification particulière avec la défense aérienne. Depuis le début de l’année 2023, plusieurs affaires ont rappelé l’importance des règles d’utilisation de l’espace aérien. Ainsi du ballon chinois (1) dérivant au-dessus du territoire nord-américain, d’un drone Reaper intercepté en mer Noire ou des incidents mettant en cause des appareils russes et occidentaux aux abords ou sur le territoire européen. Comme la mer, l’air désigne un espace naturel mais aussi une frontière invisible. Néanmoins, à la différence des espaces maritimes, l’espace aérien a été structuré autour du territoire de chaque État et est donc indissociable de la souveraineté de ce dernier. Son utilisation intègre toutefois des formes de coopération, voire de mutualisation entre États, y compris pour assurer une forme de sécurité collective.
La délimitation de l’air territorial
L’affirmation de la souveraineté de l’État sur son espace aérien est liée aux relations internationales et plus particulièrement aux deux guerres mondiales pendant lesquelles l’aéronef est devenu une arme redoutable. Le 13 octobre 1919, une Convention portant réglementation de la navigation aérienne est signée à Paris par 27 États. Un principe, formulé sous son article 1er, domine tous les autres et sera repris dans la Convention relative à l’aviation civile internationale, signée le 7 décembre 1944 à Chicago (Convention de Chicago) qui lui a succédé : « chaque État a la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire ». Ce texte, qui a instauré l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), compte aujourd’hui 192 États parties, soit autant que d’États représentés à l’Organisation des Nations unies : il s’agit donc d’une norme à portée universelle. Les États ont introduit dans cette convention une distinction majeure entre l’aéronef d’État – utilisé pour des services militaires, de police ou de douane – et l’aéronef civil, le premier ne relevant pas, à la différence du second, du dispositif de Chicago. Le concept de souveraineté a également imprégné l’organisation économique du transport aérien, qui a été géré comme un service public avant la privatisation de la compagnie nationale Air France au début de la décennie 2000.
Ces principes sont d’autant plus importants que la délimitation de l’espace aérien est double : horizontale et verticale. En application de l’article 2 de la Convention de Chicago, l’air dit territorial est cette partie du milieu aérien qui se trouve au-dessus du territoire national, c’est-à-dire ses frontières terrestres ou ses eaux territoriales s’il s’agit d’un État côtier. La limite verticale de l’espace aérien n’a pas été définie par une convention internationale. En pratique, les États se réfèrent à la ligne dite de Kármán, qui représente une altitude d’environ 100 km, située bien au-delà de l’espace contrôlé par les prestataires de la navigation aérienne (20 km d’altitude). Il ressort de tous ces principes que les États demeurent libres d’autoriser, réglementer, voire d’interdire, la navigation aérienne. En pratique et s’agissant du transport aérien, cette autorisation résulte des Accords de services aériens (ASA) qui sont conclus par des États et non par des compagnies aériennes. À l’inverse, dans l’espace aérien international, la navigation est régie par le principe de liberté mais n’échappe pas entièrement à l’emprise des États. L’article 12 de la Convention de Chicago prévoit qu’au-dessus de la haute mer, les règles en vigueur seront celles établies par l’OACI en matière de vol et de manœuvre des aéronefs. En dépit de quelques similitudes, les règles applicables à la navigation aérienne sont différentes de celles qui régissent la navigation maritime et il n’existe pas, en dehors du droit de passage en transit dans certains détroits internationaux, d’équivalent aérien à un libre passage inoffensif autorisant de plein droit le survol du territoire de l’État. Pas plus que la haute mer, l’espace aérien international n’est donc une zone de non droit.
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