La visite en Amérique latine de Sergueï Lavrov (ministre russe des Affaires étrangères) au mois d’avril démontre à la fois l’intérêt du Kremlin pour la région et la volonté des pays visités de remettre en cause la gouvernance mondiale dominée par les États-Unis.
Amérique latine – Sergueï Lavrov en Amérique latine : des symboles et une stratégie
Latin America - Sergey Lavrov in Latin America: Symbolism and Strategy
The April visit of Sergey Lavrov (the Russian foreign affairs minister) to Latin America was a show of the Kremlin’s interest in the region and the willingness of the countries he visited to question the system of world governance dominated by the United States.
Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie depuis 2004, a effectué du 18 au 22 avril 2023 une tournée diplomatique en Amérique latine (Brésil, Venezuela et Cuba). Il a pu, à cette occasion, rappeler la dimension globale de la diplomatie russe. La politique, la symbolique, l’économie et une dose de provocation envers « l’Occident », ont alimenté une visite sur un continent qui affiche une neutralité en demi-teinte (1). Elle doit être saisie dans la diversité qui constitue plus que jamais, une caractéristique de l’Amérique latine.
Sergueï Lavrov s’est toutefois contenu à des pays qui pouvaient porter une symbolique importante et indispensable pour la Russie, dans un cadre international perturbé par le conflit ukrainien : alliés traditionnels ou retrouvés. Ils incarnent une dimension historique, à l’instar de Cuba et du Nicaragua (2), tous deux partenaires de l’ex-URSS. Transformés en des points chauds de la rivalité Est-Ouest, ils représentent aujourd’hui, un schéma politique marqué par une volonté de rupture avec un ordre mondial né de l’après-Seconde Guerre mondiale. Engagé sur la voie du « socialisme bolivarien » dès l’accession au pouvoir de Hugo Chavez en 1999, le Venezuela s’inscrit dans cette logique. Membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), il est un des pays du monde pouvant compter, malgré les difficultés d’exploitation, sur les principales réserves de pétrole. La présence à Caracas du ministre russe est donc chargée de sens.
Avec le Brésil, Sergueï Lavrov a voulu s’inscrire dans une démonstration de force et de projection d’un système international alternatif : le pays est la première puissance économique d’Amérique latine et membre des BRICS, comme la Russie. Le président Luiz Inacio Lula da Silva (3) qui a pris ses fonctions le 1er janvier 2023 s’est engagé sur la voie d’un activisme international (notamment avec la Chine, l’Europe et les États-Unis) qui le conduisait à se trouver en République populaire de Chine (RPC) tandis que Sergueï Lavrov était à Brasilia. Difficile de ne pas y voir une forme de complémentarité politique permettant au Président brésilien de déployer une critique de l’ordre international, à commencer par les institutions financières nées des Accords de Bretton-Woods (4), en faisant notamment valoir le poids économique des BRICS dans le commerce mondial pour les prochaines années.
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