La LPM 2024-2030 représente certes un effort intéressant mais reste insuffisante face aux défis imposés par le retour de la haute intensité. Cette LPM devra être consolidée tout en revoyant le format de nos coopérations et le choix de nos partenaires. Il faudra aussi réfléchir aux exigences de demain et préparer pour 2028 un nouveau Livre blanc.
LPM 2024-2030 : un effort certes… mais insuffisant
The 2024-2030 LPM: Some Effort, Yes, but Not Enough
The 2024-2030 LPM (Loi de programmation militaire—military programming law) is a clear demonstration that efforts are being made, but they remain insufficient in the face of the challenges posed by the return of high-intensity warfare. The LPM needs consolidation through revision of our cooperative activity and our choice of partners. We need also to consider the demands of the future, and start the preparation of a new Livre blanc (defence white paper) for 2028.
Très vite après le déclenchement de la guerre en Ukraine, la plupart des pays d’Europe prirent la mesure de la rupture stratégique provoquée par l’agression russe. Dans les semaines qui suivirent le choc du 24 février 2022, tous ou presque annoncèrent leur intention de renforcer leur outil militaire pour faire face à la résurgence de la menace étatique et de la haute intensité sur le territoire européen. La France, qui s’enorgueillit de disposer de la première armée du continent, ne pouvait rester à la traîne de ses partenaires. Le 13 juillet 2022, le président de la République écourta ainsi de deux ans la « Loi de programmation militaire (LPM) Parly » en confirmant l’élaboration d’une nouvelle programmation. Un an jour pour jour après cette annonce, la LPM 2024-2030 était définitivement adoptée par le Sénat.
Se préparer à la guerre de haute intensité
Au cours de cette année, rythmée par les développements du conflit ukrainien, une idée s’est naturellement imposée dans le débat public : les moyens que nous consacrons à notre défense ne peuvent plus seulement servir une logique expéditionnaire. Ils doivent aussi, et même avant tout, permettre à la France de dominer, ou tout au moins de tenir et de durer, sur le théâtre d’un conflit majeur. Une idée d’ailleurs relayée par la communication gouvernementale elle-même, qui a particulièrement mis en avant, à juste titre, la nécessité de permettre aux armées d’opérer leur « pivot vers la haute intensité », et à la Base industrielle et techno-logique de défense (BITD) de basculer en « économie de guerre ». In fine, c’est donc bien cet impératif, celui de renforcer notre capacité à faire face à une guerre d’attrition, qui a motivé la préparation anticipée d’une nouvelle LPM et légitimé l’effort budgétaire demandé à nos compatriotes.
Cependant, la programmation à venir s’attellera finalement moins aux enjeux qui se posent aujourd’hui sur le continent qu’aux défis du « grand large » ou aux menaces qui se développent dans les « nouveaux espaces ». Elle préférera, selon l’expression de Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), « la cohérence et la réactivité, la diversité et l’agilité, au volume et à l’endurance ». Ce choix stratégique n’est sans doute pas sans vertu. Néanmoins, il est désormais acquis que d’ici 2030, les formats opérationnels des armées d’active, notamment celui de l’Armée de terre, resteront atones. Quant aux cibles d’équipements majeurs pour la fin de la décennie, la plupart stagneront ou seront reportées à horizon 2035. Au-delà de l’impasse délibérément faite sur la notion de masse, cette orientation emporte une autre conséquence majeure : en gelant les commandes de matériels à leur niveau « pré-Ukraine », elle freine la remontée en puissance de nos industriels, et donc leur capacité à assumer les exigences d’une « économie de guerre ». En bout de chaîne, c’est la capacité des armées françaises à se hausser au niveau des défis de la haute intensité qui demeure entravée. Alors, à défaut de donner corps au concept d’économie de guerre par le rehaussement immédiat des commandes d’équipements, l’une des clés de cette programmation résidera dans les voies et moyens permettant d’en favoriser « malgré tout » les conditions d’émergence.
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