Introduction
Introduction
Depuis le début du XIXe siècle, les guerres se sont succédé sur le continent européen et ont provoqué une évolution des fonctions classiques du diplomate et du militaire qui opèrent désormais en lien étroit sur la scène internationale. Leurs rôles respectifs s’imbriquent et se complètent à l’épreuve de la guerre d’autant que diplomates et militaires restent dans ces circonstances, les « solides piliers d’État ». Par surcroît, après la Grande Guerre, la chute des empires et la formation des États indépendants, diplomates et militaires furent appelés à jouer un rôle du premier rang dans la formation nationale. Le contexte changea après la Seconde Guerre mondiale, avec une distinction progressive et plus approfondie entre les deux métiers, diplomate-militaire, tous les deux au service du politique et de la nation. Cependant, l’Europe politique, qui a connu une importante évolution tout au long des dernières années, a instauré des fonctions de diplomates et militaires européens.
Ainsi, la question qui nous anime procède de cette évolution : qu’en est-il au niveau de l’Union européenne, composée de vingt-sept États souverains gardiens de leurs prérogatives régaliennes dont la défense et la diplomatie sont le socle ?
Précédé par la création du Comité militaire de l’UE, le TUE instaure dans ses articles 18 et 27 la fonction de Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité qui porte la position commune de l’Union européenne dans les deux domaines mentionnés. Il conduit la Politique européenne de sécurité commune (PESC), préside le Conseil des Affaires étrangères et dirige le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) qui est de fait le bras armé diplomatique de l’UE. Le Traité de Lisbonne instaure aussi le principe d’une représentation diplomatique officielle de l’UE par la fonction d’Ambassadeurs placés à la tête de délégations diplomatiques de l’UE auprès des États et des organisations internationales.
Après plusieurs opérations militaires menées dans les années 2000, la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) a surtout progressé dans les mécanismes visant une meilleure coopération en matière d’industrie de défense avec la création de l’Agence européenne de défense (AED) et plus tard du Fonds européen de défense (FEDéf). Le succès relatif des missions de conseil et de formation (EUTM et EUAM), en Somalie ainsi qu’en République centrafricaine et au Mali, mais aussi l’agression militaire russe en Ukraine viennent indiscutablement rebattre les cartes et interrogent sur les nécessaires évolutions du rôle diplomatique et militaire de l’UE.
La mise à l’épreuve de l’unité européenne par le président russe Vladimir Poutine, la prise de conscience par les Européens de l’importance de bâtir une Europe encore plus forte et solidaire, notamment à la suite des incertitudes sur l’engagement américain sous la présidence Trump, ont engagé le projet européen sur la voie d’un rôle diplomatique et militaire plus affirmé de l’UE. On peut notamment citer les ultimes décisions communautaires sur les achats d’armement pour l’Ukraine par l’UE, les progrès obtenus dans la défense européenne, le dialogue intereuropéen accéléré. Cependant, plusieurs interrogations demeurent sur :
– l’efficacité comparative des structures diplomatiques nationales avec celles des délégations de l’UE ;
– l’impact réel des mesures européennes adoptées à l’encontre de la Russie et celles au profit de l’Ukraine ;
– la place des conseillers en Défense et Sécurité en Délégation à l’image des Attachés de défense ou Attachés de sécurité intérieur nationaux ;
– l’évolution du triangle politique–diplomate–militaire au moment de la guerre de haute intensité en Europe.
Ces questions, ainsi que de nombreuses autres, suscitées par notre réflexion commune au sein d’EuroDéfense-France ont fait l’objet d’un travail d’échange et d’analyse mené par le groupe intitulé « Diplomatie européenne » qui réunit des experts, historiens, diplomates et militaires. Ce travail annuel a été structuré par trois entretiens publics croisés avec un diplomate et un militaire ayant une solide expérience européenne. Une conférence en partenariat avec l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) a été organisée pour clôturer les trois débats mentionnés (1). Une autre a été organisée à l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan (AMSCC). Enfin, des articles ont accompagné ce travail. Nous proposons aux lecteurs de la RDN le résultat écrit et espérons qu’il inspirera d’autres études et réflexions sur le sujet.
(1) Nous remercions vivement le général Jean Novacq qui a préparé les comptes rendus des petits-déjeuners–débats et de la conférence de clôture.