L’Union européenne s’est engagée depuis plusieurs années dans des opérations militaires extérieures. Dès lors, militaires et diplomates des États-membres ont dû apprendre à travailler ensemble, avec des cultures et des méthodes de travail différentes. Certaines opérations ont bien fonctionné, d’autres moins. Des progrès sont nécessaires et indispensables pour que l’UE soit une véritable puissance géopolitique.
Action extérieure et opérations militaires européennes, un entretien croisé
External Action and European Military Operations: a Two-Way Discussion
The European Union has been committed for a number of years to external military operations. During that time, military personnel, diplomats and member countries have had to learn to work together, acknowledging different cultures and working practices. Some operations have been well conducted, others less well. Progress is both necessary and essential if the EU is to become a true geopolitical power.
Cet entretien croisé apporte de nouvelles facettes du rôle exercé par un diplomate et un militaire européen, à partir d’opérations européennes et d’expériences personnelles.
Quelles définitions ?
Patrick de Rousiers : Un militaire. À l’Union européenne, comme à l’Otan d’ailleurs, certains militaires sont dits « insérés » tandis que d’autres exercent en tant que « nationaux ». Les « insérés » sont au sein des structures (État-major de l’Union européenne [EMUE], Agence européenne de défense [AED], Service européen pour l’action extérieure [SEAE], etc.) et doivent avoir une double loyauté, à l’égard de leur nation et à l’égard de leur structure d’accueil. La seconde prenant toujours le pas sur la première. C’est une grande richesse pour les prises de décisions même si tous les militaires européens, insérés ou nationaux, sont en dehors de leur zone de confort (en raison de problèmes de langue, de cultures militaires différentes, d’appréciation de l’engagement militaire, etc.). Obligation est donc faite quand on est militaire européen de comprendre les attentes et interrogations des autres car il s’agit non d’imposer ses vues mais de convaincre et de bâtir du consensus.
Alain Le Roy : Un « diplomate européen » travaille généralement au sein du SEAE qui a été créé en 2011 par le Traité de Lisbonne. Le rôle de ce service s’apparente à celui d’un ministère européen des Affaires étrangères et d’un ministère de la Défense, avec la réserve très importante que la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne, contrairement à la politique commerciale, n’est pas une politique commune mais une politique intergouvernementale. À la tête du SEAE, il n’y a donc pas un ministre mais un Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité qui a trois fonctions : Haut Représentant, vice-président de la Commission européenne, et président du Conseil des Affaires étrangères (qui réunit les 27 ministres européens dans différents formats : Affaires étrangères, Défense, parfois Développement ou Commerce). Les membres du SEAE viennent de trois horizons : détachés de la Commission européenne ou du secrétariat général du Conseil de l’UE, et diplomates des États-membres détachés pour une durée maximale de 6 ans. Chacun apporte ainsi une culture différente, et s’enrichit de l’expérience des autres. Globalement cela fonctionne bien et on arrive à « fabriquer » du consensus.
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