La rivalité entre empires a façonné l’histoire européenne. En 1918, ceux-ci se sont effondrés mais sans que l’Europe ne devienne stable. En 1945, le Reich nazi a été vaincu tandis que l’URSS établissait son emprise bien au-delà de ses frontières. On avait cru en 1989 à la fin des souverainetés limitées. Depuis 2022, par l’invasion de l’Ukraine, Moscou veut imposer une nouvelle vision impérialiste au profit d’une Russie à l’histoire révisée à des fins politiques. L’échec est cependant inéluctable.
Empires en Europe et nations modernes : avec la guerre russe, le retour de l’empire ?
Empires in Europe and Modern Nations: Does the Russian War Mean the Return of Empire?
Rivalry between empires has shaped European history. The collapse of some of them in 1918 did not lead to greater stability in Europe. In 1945, although the Third Reich was defeated the USSR established its grip well beyond its own borders. It had been thought in 1989 that the end of limited sovereignties was nigh. Yet since 2022, with its invasion of Ukraine, Moscow has sought to impose a new imperialist vision to benefit a Russia whose history has been rewritten for political purposes. For all that, failure is inevitable.
L’histoire, ou plutôt sa révision, est au cœur du déclenchement de la guerre par la Russie contre l’Ukraine. Elle a constitué un des principaux motifs du discours russe lors du lancement de l’offensive en 2022. Toutefois, la lecture de l’histoire par Vladimir Poutine, président-historien russe (les deux termes sont valables à condition de les lire avec sarcasme) ou président-faiseur d’histoire (une ambition politique de la mission historique revendiquée à maintes reprises par Poutine), imprègne le discours russe depuis la conférence de Munich sur la sécurité en 2007. La question est clairement posée dans l’article présidentiel de 2021 intitulé « L’unité des peuples russe, ukrainien et biélorusse ». Celui-ci inspire la propagande russe mais aussi la culture pop, comme un leitmotiv dans le chant, le cinéma, l’art visuel.
L’analyse qui suit vise à rappeler quelques éléments historiques en se fondant sur l’analyse de l’écriture de l’histoire, présentée à partir de quelques auteurs. Nous l’osons penser utile dans le contexte du débat qui surgit sur la possible défaite russe, l’éclatement de la Russie, la crainte occidentale de ne savoir gérer ce séisme qui se risque à l’est des frontières européennes.
Habitué à percevoir la Russie comme un grand État, le lecteur occidental peut-être dérouté face à l’hypothèse de son éclatement. Mais au fond, sommes-nous face à un État, dans le sens de l’État-nation, ou à un empire, le dernier empire sur le continent européen ? Cette réincarnation impériale a profondément freiné le développement de la nation russe qui n’est pas devenue une nation à part entière, retirée dans une ambition de caractère impérial et non pas dans l’objectif de constituer un État-nation (1). Cette thèse anime notre réflexion.
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