L’Otan reste l’Alliance militaire la plus efficace, malgré de nombreuses critiques et ce, dès sa création en 1949. La France, membre fondateur, a toujours eu une relation complexe avec l’Organisation, d’où l’importance de ce colloque de l’École de Guerre permettant d’en comprendre les enjeux et les évolutions, alors même que la menace russe est redevenue d’actualité.
Introduction
Introduction
Despite many criticisms, NATO has since its creation in 1949 remained the most effective military alliance. France was a founding member, yet has always had a complex relationship with the Organisation. That highlights the importance of the French War College (École de guerre) symposium which offered an understanding of the stakes involved and developments at a time of a resurgent Russian threat.
Même si elle renvoie à l’annexion de la Crimée en 2014 et à un passé lointain, la crise russo-ukrainienne devenue, depuis le 24 février 2022, un conflit armé international nous rappelle l’importance des alliances dans les relations internationales. Il en va ainsi de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, dont l’Ukraine n’est pas membre mais aspire à y entrer. Les deux guerres mondiales ont vu s’opposer les Empires centraux en 1914, puis les puissances de l’Axe en 1939 au camp dit des « Alliés » dans lesquels se situaient les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et la Russie, puis l’URSS à partir de 1941. En 1945, deux blocs se font face : le bloc de l’Est et celui de l’Ouest, dominés par les deux superpuissances de l’époque.
Fin 1989, il est permis de s’interroger sur la question de savoir si l’Otan créée quarante ans plus tôt est à l’origine de la chute du mur de Berlin, en tout cas une chose est sûre : c’est bien le Pacte de Varsovie, cette Alliance des pays de l’Europe orientale structurée autour de la Russie entre 1955 et 1991 qui a perdu la guerre froide. Trente ans après, et à l’exception de la Russie, les 7 autres pays signataires de ce Pacte (Albanie, ex-Allemagne de l’Est [RDA], Bulgarie, Hongrie, Pologne, Roumanie et République tchécoslovaque) ont tous rejoint l’Otan qui dispose par ailleurs d’un partenariat avec le régime de Kiev.
Ces considérations géopolitiques nous ramènent à un constat simple : malgré les critiques dont elle fait l’objet – elle est sans doute l’organisation internationale la plus critiquée qui soit –, l’Otan continue de s’imposer comme étant l’alliance politico-militaire la plus importante de l’époque contemporaine.
Dans l’histoire, l’Otan ne peut qu’être comparée à la Ligue de Délos, créée par les cités grecques du Ve siècle avant notre ère pour repousser l’ennemi perse qui était alors le compétiteur de ce qui était alors l’empire athénien. Dissoute par Sparte en 404 av. J.-C., cette confédération d’État aura duré moins longtemps que l’Alliance atlantique qui a fêté son 70e anniversaire en 2019 et survécu à bien des défis, tout en gardant son unité propre. Sauf à relever que les deux organisations ont leur siège dans la capitale bruxelloise, l’Otan ne saurait ainsi être comparée à l’Union européenne, dont la vocation est avant tout économique et politique même si elle dispose d’une politique de défense et de sécurité commune qui, d’ailleurs, n’est pas totalement incompatible avec les objectifs de l’Alliance atlantique tels qu’ils ont été formulés au cours du Sommet de Bruxelles en 2020.
Ces objectifs sont en effet de garantir la liberté et la sécurité de ses 30 États-membres par des moyens politiques et militaires :
• Politiques dans la mesure où l’Otan s’emploie à promouvoir les valeurs démocratiques et permet à ses membres de se consulter et de coopérer sur les questions de défense et de sécurité afin de résoudre les problèmes, d’instaurer la confiance et, à long terme, de prévenir les conflits. Chaque jour, les pays membres de l’Otan se consultent et prennent des décisions sur des questions de sécurité, à tous les niveaux et dans une grande variété de domaines. Une « décision de l’Otan » est l’expression de la volonté collective de l’ensemble des 30 membres, étant donné que toutes les décisions sont prises par consensus.
• Militaires car cette alliance, qui est défensive tout en étant dotée d’une capacité nucléaire, est attachée à la gestion des crises ainsi qu’à la résolution pacifique des différends. Si les efforts diplomatiques échouent, elle dispose de la puissance militaire nécessaire pour entreprendre des opérations de gestion de crise. Celles-ci sont menées en application de la clause de défense collective inscrite, soit sous l’article 5 du Traité de Washington qui prévoit la solidarité entre membres de l’Alliance en cas d’agression et constitue la colonne vertébrale de l’Alliance, soit sous mandat de l’Organisation des Nations unies, seule ou en coopération avec des pays non-membres ou d’autres organisations internationales, comme cela a été le cas dans les Balkans puis en Afghanistan.
Il n’en fallait pas davantage pour que l’École de Guerre organise un colloque dédié à l’évolution de cette organisation. L’encadrement et les stagiaires de la 29e promotion ont choisi de placer cette journée sous le signe de l’histoire, de la géographie politique et des relations internationales. L’histoire, pour évoquer les débuts de l’Alliance en 1949 et le rôle joué par la France à cette époque. La géographie, pour évoquer un aspect très peu connu de l’Alliance : ses implantations successives en France. Les relations internationales, enfin, pour pouvoir comprendre l’évolution proprement dite de l’Otan avec son élargissement, sa stratégie et ses nouvelles missions.
Ce colloque réparti sur la journée entière comprend deux types de séquences, des exposés d’autorités extérieures à l’EdG et des tables rondes animées par les stagiaires.
Au cours de cette matinée, les interventions seront consacrées aux débuts de l’Alliance, mais aussi aux grandes figures politico-militaires du contexte très particulier de l’après-guerre où il s’agissait avant tout de maintenir le lien trans-atlantique entre le continent nord-américain et l’Europe divisée par le Rideau de fer. Ainsi, ce qui est très peu connu, c’est à Paris, ici à l’École militaire, que fut d’abord installé, entre 1951 et 1966, le collège de l’Otan qui est un exemple unique d’enseignement militaire supérieur multinational qui a servi de modèle à l’Institut des hautes études de défense nationale. Le siège de l’Otan, initialement situé à Londres puis à Paris (dans les locaux désormais occupés par l’université Paris-Dauphine) se trouve depuis 1966 à Haren (Bruxelles), et son principal commandement militaire, le SHAPE, initialement installé à Rocquencourt (France), se trouve aujourd’hui à Mons, également en Belgique.
La seconde partie sera consacrée à l’évolution des structures proprement dites de l’Alliance, du retrait en 1966 à la réintégration du commandement militaire intégré par la France en 2008. Ce serait l’occasion de rappeler que les relations entre la France et l’Otan ont toujours été complexes : d’un côté, la France a fortement poussé à la fondation de l’Alliance atlantique, à l’implication directe des États-Unis dans la défense de l’Europe et a bénéficié d’aides économiques et militaires importantes des États-Unis pendant toute la IVe République ; de l’autre, l’Otan a généré un sentiment d’impuissance du pays face à l’hégémonie américaine au sein de l’Organisation, et suscité une envie d’indépendance nationale plus forte.
Au lendemain de la guerre froide, la France opère son retour en force dans l’Alliance. Elle participe tout d’abord aux opérations militaires en ex-Yougoslavie lors de la guerre en Bosnie en 1993, ce qui lui fait prendre conscience de la nécessité de se coordonner étroitement avec les autres forces de l’Otan présentes et ce d’autant plus que les Européens n’ont pas les moyens de se passer du support, aérien et logistique notamment, des Américains. En décembre 1995, le président Jacques Chirac décide que la France réintègre le Comité militaire et que de nombreux officiers français participeront dorénavant aux instances de l’Otan.
Par la suite, au tournant du XXIe siècle, les missions de l’Otan évoluent. Les attentats du 11 septembre 2001 modifient la donne et font jouer à l’Otan un nouveau rôle. Elle s’engage désormais dans une « guerre » atypique, qui n’oppose pas un État contre un État, mais un groupe d’États à un réseau hétérogène d’organisations terroristes islamistes, d’où son engagement en Afghanistan qui va durer deux décennies.
En juin 2008, à l’occasion de la présentation du Livre blanc sur la défense, le président Nicolas Sarkozy franchit l’ultime étape en confirmant le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan, avec toutefois une restriction : la France ne siégera pas au groupe des Plans nucléaires. Ce retour s’accompagne de l’attribution à un officier général français d’un grand commandement militaire de l’Otan, le Commandement allié de la Transformation (ACT), et l’École de Guerre aura cet après-midi le grand honneur d’accueillir le général Abrial, premier SACT français.
Enfin, au début de la décennie 2020, les événements redonnent à l’Alliance son rôle initial : la sécurité collective et la gestion des crises. En effet, les menaces que la Russie fait peser sur l’Ukraine, suivies du déclenchement d’une vaste « Opération militaire spéciale » fin février 2022 sont utilisées notamment comme moyen de pression sur l’Otan pour remettre en cause non seulement l’idée que l’Ukraine puisse un jour y adhérer mais surtout la présence de l’Otan dans ceux de ses pays membres qui appartenaient au Pacte de Varsovie durant la guerre froide.
Pour conclure mon introduction, je voudrais vous remercier d’être parmi nous aujourd’hui à l’École militaire. C’est toujours un plaisir de vous accueillir à l’École de Guerre et de vous faire partager le travail des intervenants extérieurs mais aussi des stagiaires de la 29e promotion qui ont préparé ce colloque tout au long de leur scolarité. Je vous invite donc à suivre les exposés qui vont suivre et à poser toutes les questions qui vous préoccupent.
École de Guerre - 13 juin 2022