Stratégie intégrale, réflexions sur la puissance
Stratégie intégrale, réflexions sur la puissance
C’est le général Poirier qui a inventé le terme « Stratégie intégrale », c’est-à-dire la stratégie globale pour faire du projet politique une réalité ; « la politique en acte » : « la science et l’art de manœuvrer des forces pour accomplir les fins de la politique ». Poirier divise cette stratégie en trois sous-stratégies générales : la stratégie culturelle, la stratégie économique et la stratégie générale militaire, qui couvrent l’ensemble des activités nécessaires afin de réaliser le projet politique. Cependant, il ne développe réellement que la stratégie générale militaire.
Observateur attentif des relations internationales et chef d’entreprise, Denis Drouin part du projet politique et de la stratégie intégrale mais adopte une vision beaucoup plus holistique que Poirier. En principe, il ne discute presque pas du tout du type de moyens utilisés : militaires, économiques, etc. Il place l’Agir au centre de sa réflexion. Or, agir dans une situation de conflit implique une « dépense cumulée en “degrés de liberté” » qui varie dans le temps en fonction de « la capacité instantanée à interagir (puissance) ». Plus la puissance est grande, plus les degrés de liberté – ou « maîtrise de l’initiative » – sont importants. Le tout s’inscrit dans le cadre du « principe d’interactions stratégiques » qui identifie les lignes d’action optimales successives, compte tenu des contraintes rencontrées. Les acteurs ne sont pas nécessairement des États mais des « groupes d’individus ». Cette approche très générale permet à Drouin d’aborder un large éventail de sujets stratégiques.
Pourquoi donc une stratégie intégrale ? Parce qu’elle nous permet de combiner les interactions stratégiques afin de multiplier la puissance. Une stratégie intégrale bien conçue permet la conquête et la préservation de l’initiative. Pour cela, il faut toutefois être en mesure de penser la stratégie « de manière holistique, complexe et dynamique ».
L’auteur plaide pour une plus grande attention de la stratégie théorique pourvu que ses « productions soient rigoureuses, les concepts cohérents entre eux et l’espace de validité clairement identifié ». Son livre en est un bel exemple. L’inspiration de Drouin vient des sciences physiques ; une approche relativement rare. Il y a là une certaine similitude avec le stratège américain John Boyd (1927-1997). Pour tous deux, la deuxième loi de la thermodynamique est très importante. Il ne s’agit certainement pas d’un ouvrage à lire rapidement ; au contraire, il exige beaucoup de contemplation de la part du lecteur. Pour ceux qui prennent le temps, Drouin apporte de nouvelles perspectives intéressantes. ♦