L’unité italienne doit beaucoup au Comte Cavour qui ne cessa d’agir pour unifier l’Italie sous la tutelle du Roi de Piémont-Sardaigne, Victor-Emmanuel. Ce long processus bénéficia du soutien de Napoléon III, fervent « champion des Nationalités ». Toutefois, la question de la Papauté à Rome resta centrale jusqu’en 1871, étant conclue avec les accords de Latran en 1929.
Histoire militaire - Cavour, Napoléon III et l’unité italienne
Military History—Cavour, Napoleon III and Italian Unity
Italian unity owes much to Count Cavour, who worked unceasingly to unify Italy under the direction of Victor-Emmanuel II, King of Piedmont-Sardinia. This long process had the support of Napoleon III, who was a fervent champion of Nationalities. Nevertheless, the Papacy in Rome remained a central issue until 1871, matters being later resolved with the Lateran Pacts of 1929.
Durant le « printemps des nationalités » lors des mouvements libéraux et nationaux de 1848, les révolutionnaires italiens – Mazzini et Garibaldi – avaient échoué dans leur projet d’unification de la nation italienne, et l’Autriche du tout jeune empereur François-Joseph avait mis fin à la tentative par le triomphe de la réaction. Il s’est ensuivi un très fort courant anti-autrichien en Italie.
Le flambeau de l’unité italienne va être repris par le Premier ministre du roi de Piémont-Sardaigne Victor-Emmanuel, et l’unification va être conduite en trois phases : en 1859, Cavour, avec l’aide de la France, met l’Autriche hors-jeu, mais bute sur la question romaine ; l’année suivante, les Bourbons perdent le royaume de Naples ; et, enfin, la question romaine se règle en faveur de l’Italie, par la disparition de la garantie française au profit de Rome à l’occasion du déclenchement de la guerre franco-allemande de 1870.
Cavour, champion de la cause de l’unité italienne
Le comte Camillo Benso di Cavour, issu de la vieille aristocratie piémontaise, peut être qualifié d’aristocrate éclairé et de gentleman-farmer. Gioberti, qui l’a précédé dans ses fonctions de Premier ministre, le définit ainsi « Anglo-saxon d’idées et gaulois de langage ». Pragmatique, calculateur réaliste et farouche nationaliste italien, Cavour a intégré l’échec de 1848 et se tourne résolument vers les idées nouvelles, libérales et démocratiques. Il est coéditeur du journal Il Risorgimento (fondé en 1847), qui va donner son nom au mouvement d’émancipation italienne. Ministre depuis 1850 au sein du cabinet piémontais, il en prend la direction en 1852.
Son action comme chef de gouvernement est remarquable dans la mesure où il transforme le Piémont en un État modèle par sa politique de libre-échange, sa réforme de la Justice et sa législation religieuse (« Une Église libre dans un État libre »). Ouvertement, et en accord complet avec le roi Victor-Emmanuel, son programme consiste à unifier l’Italie sous la direction de la dynastie piémontaise. Pour ce faire, il s’appuie sur trois grands principes :
– Renonciation à tout bouleversement d’ordre révolutionnaire, du type Mazzini.
– Regroupement de tous les patriotes italiens contre l’Autriche. C’est en ce sens, qu’en 1857, il fonde la « Société nationale italienne ».
– Enfin, le but, la libération de l’Italie, en acceptant l’appui d’autres nations européennes, notamment de la France, son souverain, Napoléon III, ayant acquis l’image de « champion des nationalités ».
C’est en ce sens que Cavour fait participer le Piémont à la guerre de Crimée, en 1855-1856, aux côtés de la coalition franco-britannique mais surtout qu’il s’assure de l’appui français lors de l’entrevue – discrète sinon secrète – de Plombières (dans le département des Vosges) avec Napoléon III en 1858. L’Empereur lui promet une aide militaire française contre l’Autriche, en vue de la création d’un État confédéral sous la présidence du Pape (Napoléon III s’est toujours montré très ultramontain), selon le principe « L’Italie libre des Alpes jusqu’à l’Adriatique ».
Fort de ce soutien, Cavour réarme, rejette un ultimatum de Vienne, qui, après une vaine tentative de médiation, déclare la guerre au royaume de Piémont-Sardaigne.
1859. La guerre franco-piémontaise contre l’Autriche
Après les victoires françaises de Magenta et de Solferino contre l’armée autrichienne en juin 1859, une menace d’intervention prussienne en soutien de Vienne, force Napoléon III à accorder un armistice aux Autrichiens (Villa Franca) en juillet de la même année. En novembre, les clauses du Traité de Zurich demeurent très en deçà des promesses françaises de libérer l’Italie des Alpes à l’Adriatique. Venise demeure autrichienne et la Lombardie revient à la France, qui la rétrocède au Piémont. En signe de protestation, Cavour démissionne (jusqu’en novembre 1860). Des plébiscites ont lieu à Bologne, en Toscane, à Parme et à Modène, tous en faveur du Piémont. Napoléon III « ferme les yeux ».
En 1860, par le Traité de Turin, la France obtient la promesse d’un plébiscite pour Nice et la Savoie, qui deviennent françaises le 15 avril 1861.
En 1866, l’Italie s’allie à la Prusse contre l’Autriche, mais se fait défaire à Custoza. Cependant, comme l’Autriche est totalement défaite à Sadowa par la Prusse, par le Traité de Vienne signé à l’issue en octobre 1866, l’Italie recouvre la Vénétie.
La question romaine
Les relations franco-piémontaises vont se trouver très assombries par la question romaine, Paris s’étant porté garant du maintien du pouvoir temporel du Pape sur ses États (ils avaient été confiés au Pape par Pépin le Bref, père de Charlemagne). En mai 1860, à la tête de ses « chemises rouges », Garibaldi débarque à Marsala en Calabre et marche sur Rome que protège la France depuis 1849 (avec l’effectif symbolique d’une brigade). Pour empêcher la mainmise des Garibaldiens sur Rome, ce qui aurait créé une autre pomme de discorde compte tenu de l’image révolutionnaire véhiculée par les « chemises rouges » de Garibaldi, le Piémont intervient et défait les troupes pontificales qui capitulent à Ancône. Toutefois, Garibaldi ne rentre pas à Rome, qui demeure sous pouvoir papal.
L’année suivante, les Bourbons du royaume des Deux-Siciles (Calabre et Sicile) abdiquent, ouvrant ainsi la porte à l’unification totale de l’Italie. Réuni à Turin, le Parlement piémontais, devenu Parlement italien, déclare Rome, capitale italienne et Victor-Emmanuel, roi d’Italie. La France maintient son soutien au Pape, ce qui rend caduque ces décisions, au moins celle concernant Rome. S’opposant à une entente entre Rome et le Piémont, Garibaldi veut intervenir militairement, mais est défait.
En 1864, la crise romaine s’apaise par une convention signée entre le Piémont et la France : celle-ci retire ses troupes, mais le Piémont s’engage à protéger les États pontificaux qui conservent leur souveraineté. Ne pouvant fonctionner à Rome, la capitale italienne est alors transférée de Turin à Florence. Pour bien afficher que ses pouvoirs temporel et spirituel sont indissociables, le Pape publie la même année une encyclique Syllabus errorum (répertoire de propositions condamnées), par laquelle il considère le libéralisme comme une erreur et où il revendique pour l’Église l’autorité suprême sur la société. La crise avec les autorités italiennes, libérales, va alors s’envenimer.
En 1867, une nouvelle tentative de Garibaldi sur Rome se solde par un nouvel échec. Il est sévèrement battu à la bataille de Mentana (1). Garibaldi ne sera pas rancunier, puisqu’en 1870, il va lever un corps de volontaires pour venir se battre en France contre les armées allemandes, aux côtés de l’armée française.
En 1869, Pie IX convoque à Rome le concile Vatican I pour affirmer une nouvelle fois son autorité temporelle sur Rome et ses États. C’est à cette occasion que le Concile proclame l’infaillibilité pontificale lorsque le Souverain pontife s’exprime en matière de dogme.
L’Italie entièrement réunifiée
Le 20 septembre 1870, plus aucune troupe française n’occupant plus Rome (elles y étaient revenues à l’issue de Mentana), Napoléon III étant tombé, et la France étant défaite par les armées allemandes, les troupes piémontaises entrent à Rome, après avoir occupé l’ensemble des États pontificaux. Pie IX refuse l’année suivante la « loi des garanties » qui lui était offerte et se considère comme prisonnier de l’État italien à l’intérieur du Vatican dont il ne sortira jamais. Rome devient officiellement la capitale italienne.
Si l’unité italienne a été polluée de bout en bout par la question romaine, celle-ci ne trouvera son dénouement que par les Accords de Latran signés en 1929 entre Mussolini et Pie XI. Le Pape renonce à son pouvoir temporel, reconnaît Rome comme la capitale italienne, et l’État italien reconnaît la souveraineté pontificale sur le Vatican. Néanmoins, comme la question romaine a débouché sur un durcissement des positions pontificales, cette crise doit être placée dans une perspective de long terme des relations entre Rome et les États libéraux, l’Italie d’abord, la France républicaine ensuite.
(1) C’est à l’occasion de cette bataille que Pie IX, pour remercier l’armée française de lui avait permis de conserver ses États, a dispensé ad aeternam les officiers français de l’observance de la règle du maigre du vendredi et du jeûne du Carême.