C'est essentiellement sous l'angle du problème de l'attitude de la société politique à l'égard de l'institution militaire que l'auteur, directeur des affaires juridiques au ministère de la Défense, a entendu aborder la question du statut des militaires. Nous pouvons seulement ajouter un aspect qui n'apparaît qu'en filigrane, c'est celui de la spécificité essentielle de la discipline militaire, dont le but est de préparer et de conduire des hommes au combat. Cette discipline-là ne peut rien avoir de commun avec ce qui peut exister dans une entreprise civile.
L'armée de la République : droits et obligations des militaires
Soldat ? Citoyen ? Soldat-citoyen ou citoyen-soldat ? La question de la place du militaire dans la Cité et celle, connexe, de la subordination de l’autorité militaire au pouvoir politique sont universelles et permanentes, donc toujours actuelles. Elles sous-tendent le débat sur l’organisation et la mission de l’armée et sur le statut du militaire. Qu’il s’agisse du service militaire, de l’adaptation des structures des armées à l’évolution des missions, du problème du recrutement et de la formation des cadres d’active, la solution est nécessairement fonction de la conception de l’institution militaire et de ses rapports avec l’État. Il n’est donc pas concevable de poser indépendamment de la formulation claire des concepts fondamentaux en la matière des questions telles que, par exemple, la durée du service militaire, l’exercice des libertés civiques et civiles par les jeunes gens au cours de leur service actif, la définition des structures de représentation des intérêts personnels des militaires comme, en France, le Conseil supérieur de la fonction militaire, la compétence des juridictions spécialisées chargées de connaître des infractions commises dans les armées, le régime des sanctions statutaires ou disciplinaires, etc. De ce point de vue, on aurait tort de considérer le mot de Clemenceau : « La justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique », comme une simple boutade antimilitariste car, précisément, tout le problème est de savoir si l’on peut faire défiler une troupe au pas aux accents de la marche turque de Mozart.
L’actualité du sujet provient donc de sa permanence. Il est au cœur du débat sur la « spécificité militaire », par lequel les auteurs s’interrogent sur l’existence d’une convergence ou d’une divergence entre l’évolution du système militaire et celle du système civil. Plus que de convergences ou de divergences, il s’agit, en fait, des attitudes respectives de la société politique vis-à-vis de l’institution militaire et de la société militaire vis-à-vis de l’institution politique ; par voie de conséquence la question fondamentale est celle du statut imposé par la société politique à ceux qui servent l’institution militaire.
Le présent propos n’est pas d’aborder le problème d’un point de vue idéologique, mais de tenter une réflexion aux plans de l’organisation administrative et de l’analyse juridique. L’hypothèse qui fonde cette démarche est qu’il n’y a pas, au niveau de l’analyse sociale, de divergences profondes et permanentes possibles entre société civile et société militaire, mais que divergences et convergences mineures coexistent dans les relations quotidiennes entre les deux systèmes, et que leur équilibre général, indispensable à la survie de la société globale, est fonction d’une évolution convergente au niveau supérieur : l’armée n’est pas et ne peut pas être un système clos. Par contre, au niveau des institutions, il doit exister un dispositif juridique adapté, destiné à assurer la suprématie de la société politique sur l’institution militaire. En effet, la finalité de l’armée est d’assurer, ou de garantir, la survie de l’État lorsque les circonstances les plus graves et les plus violentes le menacent.
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