Nous donnons aujourd’hui la suite de l’étude de l'auteur sur l’Islam. Elle concerne l’Islam moderne, celui du XXe siècle, avec ses différents courants. La conclusion nous ramène en nous-mêmes.
Islam : la violence et la piété - (II) XXe siècle : trois scandales
L’évolution politique du monde islamique au XXe siècle serait incompréhensible sans référence à son enracinement religieux le plus lointain. Il importe même d’essayer d’entrer dans la mentalité du croyant pour ressentir avec lui les trois scandales qui l’ont, consciemment où non, bouleversé.
Le premier scandale, déjà évoqué, est l’extrême abaissement de l’Islam à la fin du XIXe siècle et sa domination par l’Occident. Le scandale a été porté à son comble à l’issue de la première guerre mondiale, la quasi-totalité des États musulmans étant alors sous tutelle. Cette situation incompréhensible, où le croyant se voit abandonné de Dieu, est à l’origine des mouvements de renaissance intellectuelle (nahda) et de réformisme politico-religieux (içlâh) qui se sont développés dès la seconde moitié du XIXe siècle.
Au milieu de notre siècle, ce premier scandale a pris fin. Mais pour faire place à un second. Le démembrement de l’empire ottoman, les partages coloniaux et « l’escroquerie » diplomatique menée de 1916 à 1920 au grand dam de Lawrence ont abouti, après indépendance, à une mosaïque d’États-nations de conception occidentale. Les ambitions ou la simple force des choses aidant, ces nouveaux États ont joué le jeu international classique, défendant leurs propres intérêts face à leurs voisins et faisant fi de la solidarité musulmane. C’est, pour une grande part, la perception de ce second scandale, de ce déchirement de la umma, qui a amené la constitution de ces organisations désespérément inefficaces que sont la Ligue arabe et la Conférence islamique. Organisations dérisoires certes, si l’on ne voit que leur impuissance à unir les États arabes ou musulmans dans l’action, mais non sans importance si on les considère comme le siège d’une conscience commune rappelant inlassablement les saints principes de l’Islam… à des États dont certains se disent laïques. Ainsi pourrait-on citer la résolution de la 3e Conférence Islamique en janvier 1981, réaffirmant solennellement le devoir de guerre sainte à la suite de l’adoption par Israël de Jérusalem pour capitale, et plus généralement la déclaration dite de La Mekke faite par cette même Conférence, où l’on peut lire une très lyrique proclamation de la supériorité de l’Islam, face au vide spirituel dans lequel se vautrent les sociétés modernes.
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