L'auteur a exposé ce que l'on va lire lors de la 24e Conférence annuelle organisée par l'Institut international d’études stratégiques de Londres (IISS) en septembre 1982 à La Haye, sur le sujet : « défense et consensus : les aspects internes de la sécurité européenne ». Cet article paraît également en anglais dans Adelphi Papers, publication de l'IISS.
Un nouveau nationalisme dans le monde occidental ?
Dans ses mémoires, « Die Welt von Gestern », l’écrivain autrichien Stefan Zweig décrivait la période précédant la Première Guerre mondiale comme étant « l’âge d’or » de la sécurité. Les canons d’août 1914 ont mis fin à cette époque, peut-être pour toujours. Cependant, pendant plus de vingt ans, de la mort de Staline à la guerre du Yom Kippour, grâce à la protection fournie par le parapluie nucléaire américain et grâce à la logique de la dissuasion nucléaire dans une période où les États-Unis détenaient la supériorité nucléaire, les Européens ont pu jouir d’un sentiment de sécurité relative. Ils ont eu l’illusion que, ne se trouvant plus au centre de l’histoire, l’Europe pouvait vivre dans une sorte de cocon de prospérité et de confort, en étant relativement isolée du bruit et de la fureur d’un monde de violence. Certes, il y a eu des crises, comme celles de Berlin et de Cuba, mais leur solution a simplement confirmé l’existence d’un climat de sécurité qui est à l’origine du mot de détente. Les crises qui se sont développées à l’intérieur de l’alliance ont été les reflets de ce succès. Mais cet objectif atteint, beaucoup aux États-Unis estiment aujourd’hui que le prix de l’alliance est économiquement trop élevé alors qu’en Europe c’est le prix politique que beaucoup considèrent comme trop lourd.
Depuis 1979, la disparition de ce sentiment de sécurité a donné une nouvelle signification aux difficultés internes de l’alliance et pour beaucoup d’observateurs, la question est de savoir si l’alliance peut survivre dans sa forme actuelle. Depuis l’invasion de l’Afghanistan, on a le sentiment de vivre dans un état de crise permanente. L’emploi de la force militaire pour imposer des solutions politiques devient la règle et non plus l’exception. Le passé est évoqué pour insister sur le danger présent et sur la peur de l’avenir. Des analogies entre la situation actuelle et celles de 1914 et de 1939 semblent rétablir en Europe un lien avec une histoire de crises et de guerres que l’existence des armes nucléaires avait rompu. L’évolution de l’équilibre des forces en faveur de l’Union Soviétique, la multiplication des occasions de crise, et la double évolution de la technologie nucléaire (précision et miniaturisation) semblent avoir ajouté de nouvelles raisons à ces nouvelles craintes.
L’effet de division produit sur les alliances par la logique de la guerre nucléaire, dénoncé dans les années 1960 par le général de Gaulle et ses partisans, a pris une nouvelle validité. Comment les Américains peuvent-ils protéger l’Europe occidentale, alors qu’ils ne sont même pas sûrs de posséder suffisamment d’armes pour se défendre eux-mêmes ? Les craintes que ressentent les Européens vis-à-vis des insuffisances des moyens militaires américains sont renforcées par les déceptions entraînées par le comportement politique des États-Unis.
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