Essai de prospective
Cet après-midi nous allons nous préoccuper de l’avenir du nucléaire en nous projetant si possible dans un futur relativement lointain. Il est vrai que, depuis le début des années 90, le rôle du nucléaire a beaucoup changé, et je rappelle l’expression du général Poirier sur La crise des fondements. La question qui se pose est la suivante : qu’est-ce qui va encore changer concernant le nucléaire dans les dix, vingt, trente ans qui viennent ? Que pourra-t-on dire du nucléaire militaire à l’horizon 2030, par ce que le ministère de la Défense appelle le plan prospectif à 30 ans ? Se poser cette question n’a rien de factice.
Le seul point qui me semble clair aujourd’hui est le suivant : le nucléaire ne sera pas « désinventé » ; mais l’histoire est pleine d’objets qui n’ont pas été « désinventés » : la lampe à pétrole, la marine à voile, selon les formules du général de Gaulle, et pourtant leur rôle est désormais nul. À l’avenir trouvera-t-on mieux que le nucléaire ? Le progrès technique offrira-t-il des substituts au nucléaire ? Les questions ne constituent pas une prospective. Il y a les questions stratégiques, car la menace majeure à laquelle le nucléaire devait parer n’existe plus, et n’y a-t-il pas d’autres moyens de se prémunir contre son éventuelle résurgence, ne serait-ce qu’en édifiant un espace européen pacifié ? À défaut de menace majeure, l’essentiel du rôle militaire du nucléaire disparaît, que l’on considère le cadre français ou le cadre européen.
Cependant, dans le domaine politique, le nucléaire avait aussi pour effet d’octroyer aux pays qui en disposaient un rôle important ; or il me semble que cette posture sera assurée à l’avenir par notre capacité à intervenir (dans les Balkans ou ailleurs). Donc le rôle du nucléaire sur le terrain politique mérite d’être analysé, d’autant plus que ce rôle sera de moins en moins celui de la France et de plus en plus celui de l’Europe ; du moins peut-on le penser.
Et puis le nucléaire a aussi une dimension juridico-éthique : juridique avec les textes le concernant ; quant à l’éthique, il est clair qu’il n’y échappe pas.
Nous allons aborder ces questions avec deux séries d’exposés : la première portera sur les aspects juridico-éthiques ; la seconde présentera des analyses concernant la construction européenne et les substituts au nucléaire dans les domaines biologique et chimique. ♦