L'auteur, après avoir présenté en novembre dernier son appréciation sur les changements prévisibles après l'arrivée au pouvoir de M. Ehud Barak, nous livre ici ses réflexions à l'issue des rencontres de Camp David.
Camp David II
Vingt-deux ans après le sommet de 1978, Camp David avait de nouveau un rendez-vous avec l’histoire. Il allait abriter, une fois de plus, des protagonistes venant du Proche-Orient dans l’objectif de mettre fin à un conflit sanglant et complexe. En plus des États-Unis qui conservaient leur rôle de « parrains », l’État hébreu était également au rendez-vous. Le nouvel arrivé était Yasser Arafat, devenu entre-temps chef de l’Autorité autonome palestinienne. À l’instar du sommet Camp David I, celui de Camp David II ne manquait pas de soulever des interrogations avant, pendant et après sa tenue. Sur quoi reposait l’analyse de l’Administration Clinton ? Le climat était-il propice au « forcing américain » ? Lors de sa visite dans la région au début du mois de juillet 2000, Madeleine Albright, secrétaire d’État, n’avait-elle pas pris la mesure du fossé séparant Israéliens et Palestiniens ? Quel serait l’avenir du « processus » après le sommet et quel bilan pourrait-on faire de celui-ci ? Afin de tenter d’apporter une réponse à ces questions, il convient d’examiner, dans un premier temps, les fondements de l’initiative américaine, pour pouvoir évoquer ensuite les problématiques du sommet et ses conséquences. Mais, au préalable, il est nécessaire de formuler deux observations sur les différences entre Camp David I et Camp David II.
Les différences entre les deux sommets
Incontestablement, le sommet de Camp David II se déroulait dans des conditions singulièrement différentes du premier sommet, tant sur le plan international que régional. Les relations internationales dans les années 70 étaient marquées par la rivalité féroce entre Washington et Moscou dans la région. Grande puissance avec des « alliés » et « intérêts » au Proche-Orient, l’URSS cherchait à avoir son mot à dire dans les efforts visant à régler un conflit dans lequel elle était très impliquée. Mis à l’écart par une politique américaine active, Moscou s’attelait à contrecarrer la pax americana qui se profilait déjà avec la diplomatie des « petits pas » élaborée et conduite par M. Kissinger à la suite de la guerre d’octobre 1973. Non seulement, la diplomatie soviétique s’efforçait de limiter la portée du sommet de Camp David I, mais elle apportait son appui au camp arabe contestataire, lequel allait jusqu’à punir l’Égypte du président Sadate pour ce qui était considéré alors comme un acte de « trahison ». En revanche, le sommet de Camp David II se déroulait à un moment où l’URSS n’existait plus, tandis que la diplomatie russe restait très discrète au Proche-Orient. Non seulement les États-Unis occupaient, sans la moindre contestation, la place de « parrains » du processus, mais leur intervention était souhaitée pour désamorcer une crise menaçante au Proche-Orient. Aucune puissance n’avait contesté la démarche américaine et le monde arabe éprouvait l’espoir de voir le conflit israélo-palestinien, vieux de plus de cinquante-deux ans, toucher à sa fin. Quant à l’Europe, qui tentait de jouer un rôle actif dans la région, son envoyé spécial, M. Miguel Angel Moratinos, était présent à Washington dès le début du sommet. Bien qu’il n’eût pas accès à la retraite de Camp David, il était tenu régulièrement « informé » du déroulement des travaux ! Par ailleurs, les pourparlers israélo-palestiniens ne représentaient pas un « phénomène » nouveau comme ce fut le cas lors des négociations avec l’Égypte en 1978. La présence de l’État hébreu n’était plus contestée par le monde arabe et des accords de paix avaient déjà été signés avec l’Égypte et la Jordanie. Le retrait unilatéral de l’armée israélienne du Liban-Sud venait diminuer le nombre des acteurs arabes en conflit avec Israël, tandis que l’on s’attendait à une relance des négociations syro-israéliennes.
Contrairement au sommet de Camp David I qui traitait le vaste sujet de la paix au Proche-Orient dans sa globalité, avec une application sur le front égyptien, celui de Camp David II se concentrait uniquement sur la question palestinienne et plus précisément sur celle de la phase finale qui devait trancher les points sensibles tels le statut de Jérusalem, les frontières du futur État palestinien, le droit au retour des réfugiés, le sort des colonies de peuplement juives en Cisjordanie et à Gaza. Par conséquent, le défi était de taille. Il s’agissait en fait d’un moment crucial où les « droits légitimes du peuple palestinien » allaient affronter les « revendications historiques » et les « besoins sécuritaires » de l’État hébreu. Il était, de ce fait, hors de question de renvoyer le règlement des questions épineuses à une date ultérieure comme cela avait été le cas à Camp David I. Si Jimmy Carter avait eu cette possibilité pour couronner sa démarche de succès, Bill Clinton ne pouvait, lui, se réfugier derrière un tel stratagème.
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