Le traité a été dans l'ensemble accueilli avec scepticisme, réserve, voire des critiques sévères. Il convient ni de le surestimer ni de le sous-estimer. Il s'inscrit dans un ensemble juridique, une sorte de « millefeuille », qui caractérise la construction européenne depuis cinquante ans. Traité intermédiaire ou de transition, il a un grand mérite : il lève le dernier obstacle à l'élargissement de l'Union européenne en direction des Peco à l'horizon 2003-2004. Les « petits pas » de Nice préparent un autre grand rendez-vous : celui de l'organisation du pouvoir politique dans une Communauté élargie, ce qui implique une certaine « constitutionnalisation » de l'UE. Il serait judicieux que le couple franco-allemand prennent des initiatives et fassent des propositions concrètes pour définir le contenu et les finalités de l'Europe politique. C'est le défi de la refondation.
L'Union européenne et les petits pas du traité de Nice
Il revenait à la France d’assumer la présidence de l’Union européenne dans le deuxième semestre de l’année 2000 et de clore la conférence intergouvernementale (CIG) lancée le 14 février pour préparer l’élargissement de la Communauté à 27, en intégrant les États ex-socialistes de l’Europe centrale, orientale et balkanique. L’Union avait donc, en quelque sorte, rendez-vous avec elle-même au conseil européen de Nice des 7, 8 et 9 décembre 2000.
L’importance de ce sommet n’échappait à personne et la médiatisation de l’événement accentuait d’autant les enjeux de la rencontre. Au centre de celle-ci, une question cruciale : la réforme des institutions de la communauté des Quinze, c’est-à-dire l’organisation du pouvoir dans une grande Europe appelée — cinquante ans après la création de la CECA — à doubler le nombre de ses membres actuels et multiplier par plus de quatre celui des six États fondateurs. Le dernier conseil européen du XXe siècle était confronté à la contradiction entre deux impératifs : d’une part celui de l’élargissement pour permettre à l’Europe de se réconcilier avec son histoire et sa géographie ; d’autre part celui de l’approfondissement pour maintenir l’unité et la cohérence de la construction de cet ensemble géopolitique et géo-économique sans précédent. En d’autres termes, et la question est posée depuis 1973, date du premier élargissement, ce que la Communauté gagne en extension, elle ne doit pas le perdre en cohésion interne.
Rappelons aussi que la construction européenne se fait pacifiquement avec la volonté des États qui ont des intérêts nationaux à défendre et que, si la souveraineté nationale est en voie d’érosion, elle est loin d’être morte. Pour porter un jugement nuancé et équilibré sur le traité de Nice (1), il convient de reconsidérer les choses, d’aller à l’essentiel et de ne pas se perdre dans un labyrinthe juridique, byzantin, plus ou moins ésotérique. On réservera pour les revues spécialisées les analyses techniques très pointues qui sont par ailleurs nécessaires pour comprendre les subtilités de ce grand marchandage diplomatique.
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