Le génie de la modération (Réflexions sur les vérités de l'islam)
Ce livre est un exceptionnel testament politique et religieux de feu le roi Hassan II. Répondant aux questions du grand reporter Éric Laurent, le Commandeur des Croyants s’exprime sur tous les aspects de l’islam à l’épreuve des défis et des conflits contemporains. L’ancien roi du Maroc donne notamment des éclairages intéressants sur les dérives extrémistes qui inquiètent les Occidentaux. Dans cet ouvrage, l’objectif du souverain chérifien est de montrer la réalité de l’islam, animé avant tout, selon lui, par l’esprit de tolérance et de modération. Pour l’auteur, cette notion fondamentale est ignorée, voire incomprise ou occultée en Occident. Descendant du Prophète, le roi Hassan II possédait une légitimité sans égale pour s’exprimer sur la religion musulmane et en restituer les tréfonds et les vérités les plus profondes.
Dans le prologue, le souverain marocain condamne fermement tous les excès. Cette mise en garde est d’ailleurs clairement affirmée dans le Coran : « Ô gens du livre, évitez l’excès dans votre religion et ne dites de Dieu que la vérité… Je vous mets en garde contre l’extrémisme religieux, car il a causé la ruine des nations qui vous ont précédés… Être musulman et intolérant, c’est antinomique ». Pour ce sujet, le préjugé qui lie l’islam à la violence est souvent le fait d’un amalgame. Dans le cas de la guerre civile au Liban, le déchaînement des haines a constitué « une régression avilissante ». Le pays du Cèdre a été sans doute victime de la triste mode de la violence « qui rend brute le vainqueur et méchant le vaincu ». Les minorités confessionnelles sont pourtant parvenues à un accord de cohabitation. Certes, le Liban reste très vulnérable. Jusque dans un passé récent, les chrétiens se faisaient la guerre entre eux. Les musulmans de même. C’était une implosion « qui a fait flèche de fanatismes, d’autant plus assassins qu’ils pouvaient afficher la foi et la bonne conscience ». Cette triste époque semble révolue. Pour l’auteur, le Liban a prouvé que tous les Arabes, musulmans ou autres, étaient capables de vivre ensemble. Tel n’est pas encore le cas en Algérie qui est devenue la proie du fanatisme avec son cortège d’horreurs. Le roi Hassan II, qui ne veut pas s’immiscer « dans les affaires intérieures » de ses voisins, déplore cette tragique situation. Se disant « en tant que croyant profondément contrarié », il ajoute qu’il fait confiance « aux fils et aux filles d’Algérie pour trouver la solution aux difficultés actuelles. Il n’y a pas de fatalité ».
On touche ici au problème sensible de l’intégrisme. Sur cette question, le souverain marocain est catégorique : l’intégrisme n’est pas l’islam. Une telle attitude extrémiste doit être combattue quand elle devient « un prétexte pour le sectarisme et l’intolérance ». Cette ligne de conduite a déformé l’image d’une religion « faite pour adoucir et améliorer les mœurs. De là, le désarroi des musulmans qui ont autre chose à faire dans le monde aujourd’hui ». Le message est clair : « Tout homme d’action devrait se prémunir contre la naïveté des enthousiastes pour l’absolu ». Pour l’ancien roi du Maroc, le vrai croyant reste « un croyant serein qui n’inspire pas de crainte ». Selon l’auteur, le musulman ne terrorise personne par des questions « que seul peut trancher l’esprit des textes, et non pas leur lettre ». L’islam réprouve la moindre inconduite et rejette toutes les formes d’agressivité. Cette religion nous rappelle que « les convictions de la foi ont leur siège dans le sanctuaire inviolable de la conscience… Il n’y a rien à comprendre dans un comportement fanatisé. Nous n’avons pas à l’expliquer. Pour l’islam, le juge applique la loi qu’il est censé bien connaître… Dans un État de droit, seul le juge a la faculté de mettre en œuvre la fonction répressive ».
Ces commentaires sur l’extrémisme donnés par le Commandeur des Croyants devraient inciter certains intellectuels à revoir leur jugement précipité sur l’islam. Tel est le message important que nous devons retenir de ce livre qui a valeur d’appel impératif au respect universel de l’autre et à la paix. Dans la préface, le roi Mohamed VI affirme que le moyen de cet impératif repose sur le dialogue, « la seule issue face aux sirènes apocalyptiques qui précèdent le choc des civilisations, prêchent la haine raciale, se font les apôtres d’idéologies néfastes ». Le testament du roi Hassan II dessine ainsi avec une très grande pondération les contours d’une religion que pratiquent plus d’un milliard de fidèles. ♦