Marine nationale - Le Scalp Naval : missile de croisière porté par les frégates et les sous-marins
La marine nationale projette de développer et de produire, avant la fin de la décennie, le missile de croisière Scalp naval, et de le mettre en œuvre, dès 2011 à partir des frégates multimissions, et dès 2013 à partir des sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda.
L’emploi depuis la mer
Le missile de croisière matérialise le concept d’« arme de précision tirée à grande distance » qui a pris corps au début des années 90, et s’est imposé à nos forces comme une capacité indispensable.
Pouvant contourner ou franchir les rideaux défensifs, il permet de frapper dans la profondeur du territoire adverse à plusieurs centaines de kilomètres de son point de lancement, ce qui minimise les risques pour son porteur. Capable de détruire avec précision une grande variété d’objectifs, il constitue un instrument politique de choix à la disposition des autorités gouvernementales. C’est dans un emploi depuis la mer que cette arme apporte à nos forces une valeur ajoutée essentielle.
La plate-forme navale porteuse de missiles de croisière peut être déployée loin du territoire métropolitain, préventivement ou dès les prémices d’une crise. Les bâtiments de la marine bénéficient d’un statut juridique qui leur garantit une liberté de manœuvre pratiquement sans entrave, y compris jusqu’au plus près des côtes. Cette liberté permet aux responsables politiques d’utiliser les moyens navals, endurants, ravitaillables et relevables sur place, sans aucune contrainte extérieure, pour adresser des signaux forts ou accompagner une action diplomatique.
Mobile, donc faiblement exposée aux coups de l’adversaire, la plate-forme navale est, en outre, invulnérable aux armes de destruction massive, leurs porteurs, balistiques ou de croisière, ne pouvant atteindre que des objectifs fixes.
La liberté donnée au pouvoir politique national de décider le déploiement d’unités navales, la capacité du navire de se maintenir pour de longues périodes en portée de tir d’un rivage très éloigné de la France métropolitaine, la protection donnée par l’étendue du milieu marin lui-même et la mobilité de la plate-forme navale multiplient le bénéfice propre apporté par le missile de croisière dans son emploi depuis la mer.
L’acquisition par la marine du missile de croisière Scalp EG (emploi général) porté par les avions Rafale du PA Charles-de-Gaulle donnera aux forces françaises, dès 2005, et pour la première fois, la capacité de frapper à partir de la mer dans la profondeur d’un territoire adverse. Cette arme sera acquise également par l’armée de l’air pour ses Rafale, et par la Royal Air Force et l’aviation italienne sous le nom de Storm Shadow. Couvrant une partie du besoin en missiles de croisière de nos armées, il reste porté cependant par le seul aéronef et demeure, par là, soumis aux contraintes d’emploi de ce vecteur.
Nécessité de diversifier les porteurs
Le conflit du Kosovo a souligné une fois de plus la nécessité de diversifier les porteurs, besoin opérationnel que les forces américaines ont identifié depuis plusieurs années. Le porteur aérien ne peut rester l’unique vecteur de missiles, et partant l’unique acteur de la frappe dans la profondeur : à l’instar de ce qui s’est fait outre-Atlantique, ou qui se déroule actuellement outre-Manche, nos plates-formes navales doivent, elles aussi, être équipées d’un missile de croisière : ce sera le Scalp naval.
Quels sont les avantages de cette diversification des plates-formes de tir ?
Tout d’abord la faible sensibilité des navires et des sous-marins aux contraintes météorologiques ; et la campagne aérienne du Kosovo a rappelé qu’elles font souvent obstacle à l’emploi des aéronefs. La permanence du navire au large d’une côte adverse se double d’une permanence de la capacité de tir, qui permet de faire disparaître la discontinuité d’action imposée par les cycles de maintenance des aéronefs et les temps de repos de leurs équipages, contraintes qui pèsent lourdement sur la planification des frappes aériennes.
Enfin, et surtout, l’augmentation du nombre de porteurs — 17 frégates multimissions et 6 sous-marins Barracuda —, donnera la possibilité d’agir simultanément dans des théâtres de crise distincts.
La frégate multimissions, qui sera équipée du Scalp naval, possède en plus quelques qualités propres. Elle peut manifester, par sa présence ostensible, la volonté politique nationale et appuyer une action diplomatique par son déploiement en portée de tir de côtes étrangères. Ce signal modéré est parfaitement adapté dans les premiers stades d’une crise ; mais elle peut également participer à tous les différents niveaux de celle-ci. En cas d’affrontement, la frégate multimissions offre à la coalition, au sein de laquelle la France pourrait intervenir, le bénéfice de sa puissance de feu : le grand nombre de Scalp naval embarqués permet un rythme soutenu des frappes avec un faible préavis.
Le sous-marin, bientôt porteur du Scalp naval, a lui aussi un atout particulier : sa discrétion. Il est en particulier capable de mettre en œuvre ses armes dans des zones très proches du littoral adverse, y compris lorsque la supériorité aérienne n’est pas acquise par les forces alliées.
L’emport du Scalp naval à bord de nos frégates et de nos sous-marins concrétisera donc la diversification souhaitée des plates-formes de tir, dont le premier bénéfice sera d’élargir l’éventail d’emploi du missile de croisière, pour proposer au pouvoir politique, en toutes circonstances, un mode d’action adapté aux nécessités du moment.
Ce que sera le Scalp Naval
Le Scalp naval dérivera du Scalp-EG dont on conservera, pour limiter les coûts, le plus grand nombre possible d’éléments matériels et logiciels. Les structures des deux missiles seront cependant différentes : le Scalp-EG, adapté à l’emport sous une aile, est un engin court et d’importante section rectangulaire, équipé pour sa propulsion de son seul turboréacteur puisqu’il bénéficie au lancement de la vitesse de l’avion. À l’inverse, le Scalp naval, qui doit être logé dans un tube lance-torpilles, sera nécessairement de section circulaire et plus réduite, et donc d’une longueur supérieure. De plus, un accélérateur dont la fonction est d’amener le missile à la vitesse d’allumage de son réacteur devra lui être ajouté.
Si la version du Scalp naval lancé en plongée par le sous-marin Barracuda comportera, de facto, un dispositif de changement de milieu qui lui sera propre, le missile lui-même — c’est-à-dire la munition volante progressant vers sa cible — sera d’un type unique, dans le but de limiter les développements et donc les coûts.
Après lancement, le Scalp naval et le Scalp EG offriront des comportements identiques, en altitude de vol comme en précision finale. La portée du Scalp naval, du même ordre de grandeur que celle du Scalp EG, doit être associée au rayon d’action de sa plate-forme navale. Rares seront alors les zones terrestres hors d’atteinte du Scalp naval, à la périphérie de l’Europe comme aux antipodes.
La concentration des infrastructures industrielles, politiques et militaires sur le littoral — rappelons que 80 % de l’activité humaine s’exerce à moins de 400 kilomètres des côtes — expose aux coups des frégates et des sous-marins porteurs du Scalp naval la plus grande partie des centres de décision ou de commandement, d’activité économique, de logistique et de production d’énergie de la majorité des pays.
Le missile de croisière Scalp Naval sera donc un nouvel atout à la disposition du pouvoir politique, et permettra à la marine de soutenir plus efficacement le combat aéroterrestre. ♦