Marine nationale - La réorganisation des commandos
La marine a développé depuis 1992 une logique de « réservoirs de forces », qui trouve son aboutissement en 2001, une fois achevée la mise en place des quatre grands commandements organiques de forces maritimes : Alfan (bâtiments de surface), Alfost (forces sous-marines), Alavia (aviation navale) et le dernier-né, Alfusco (fusiliers marins et commandos).
La force maritime des fusiliers marins et des commandos (Forfusco), la plus jeune des forces (15 mars 2001), et celle dont l’effectif est le plus réduit (2 000), comprend cinq commandos, ainsi que l’ensemble des fusiliers marins qui se consacrent à la protection des sites sensibles de la marine. Son état-major est installé à Lorient, et ses unités réparties sur le territoire national, en métropole et outre-mer.
Les commandos marine, qui représentent environ 500 hommes — et bientôt femmes puisque la spécialité vient tout juste de s’ouvrir au personnel féminin — sont prioritairement employés par le commandement des opérations spéciales (Cos), commandement interarmées spécialisé créé en 1992. En 2000, le Cos a assuré le contrôle opérationnel de 80 % des missions des commandos, les 20 % restant ayant été accomplis dans le cadre de l’action de l’État en mer au profit des préfets maritimes ou des représentants du gouvernement (protection des ressources halieutiques, protection de convois maritimes spéciaux, etc.).
Les opérations spéciales accompagnent ou complètent de plus en plus les opérations conventionnelles. Pour autant elles ne peuvent pas être banalisées. Elles se caractérisent en effet par leur très haute technicité, tant dans les modes d’action utilisés que par les technologies employées, qui évoluent très vite, et par une prise de risque politique requérant du personnel expérimenté et un encadrement toujours plus lourd.
Par ailleurs, le nouveau concept national des opérations amphibies (CNOA) (1), élaboré en 1997 et validé tout récemment lors de sa mise en application à l’occasion de l’exercice Catamaran en janvier 2001, a fait ressortir le besoin d’accroître l’effectif en nageurs de combat de la marine, dont les actions, en préalable aux opérations de débarquement, sont essentielles.
Ainsi, entre des besoins accrus en combattants et la confirmation des capacités réellement employées sur le terrain dans le cadre des opérations de crise, est apparu le besoin d’améliorer l’organisation actuelle des commandos marine.
LE PLAN « COMMANDO 2001 »
Une restructuration baptisée « Commando 2001 » a donc été décidée par l’état-major de la marine. Il paraît intéressant de souligner que les Britanniques, confrontés vraisemblablement aux mêmes nécessités, viennent de lancer un plan nommé Commando 21 pour les Royal Marines.
Le plan « Commando 2001 » est d’abord une réforme portant sur la dominante d’action et l’articulation des commandos. Avant cette réforme, les quatre commandos d’assaut — Jaubert, Trépel, de Montfort et de Penfentenyo — avaient une structure identique : une escouade de commandement, et trois escouades de combat dotées chacune d’une dominante particulière (reconnaissance, assaut ou appui). Ainsi chaque commando avait une certaine polyvalence opérationnelle. Seul le commando Hubert avait sa dominante propre, l’action sous-marine, symbolisée par ses nageurs de combat.
Au titre de la réforme « Commando 2001 », chaque commando se voit attribuer une dominante d’action avec des responsabilités opérationnelles et organiques, de manière à lui permettre de la maîtriser au mieux, de participer au développement des matériels associés et de contribuer à l’élaboration de procédures nouvelles. Dans cette perspective, les commandos Jaubert et Trépel se voient attribuer la dominante assaut (extraction de personnes, assaut par embarcations d’un bâtiment en route libre, combat en milieu clos), dominante d’action la plus sollicitée. Le commando de Penfentenyo est chargé de la reconnaissance (groupe palmeurs, renseignement sur objectifs à fin d’action, aérolargage à la mer sans recueil) et le commando de Montfort concentrera son action sur la neutralisation à distance et le guidage des appuis externes : naval, aérien, ou artillerie terrestre. Le commando Hubert, quant à lui, conserve sa spécialité de l’action sous-marine.
Cette réforme structurelle comporte une réorganisation des escouades de commandement, et est centrée sur le groupe à dix hommes comme base de la structure opérationnelle.
Le projet « Commando 2001 » vise également à optimiser le soutien des commandos marine. Dans cette optique, un pôle d’excellence Etraco (embarcations très rapides des commandos) sera mis en place au sein de la base support des commandos marine à Lorient, à l’image du Support Squadron des Royal Marines britanniques. Ce pôle rassemblera, sous la même autorité, les opérationnels chargés de mettre en œuvre ces moyens d’action très performants, les mécaniciens assurant leur maintien en état, et toutes les forces vives nécessaires pour faire évoluer les tactiques d’emploi.
Désormais, en fonction des circonstances et des capacités exigées par l’autorité d’emploi opérationnel, ce sont des détachements composés d’éléments provenant de chaque commando qui seront projetés en opération, comme à l’entraînement, sur les sites destinés à les accueillir. Une cellule tactique projetable (CTP) de l’état-major de la Forfusco assurera l’interface entre le détachement de commandos et le Cos ou le poste de commandement de forces spéciales.
Ce nouveau mode d’action permettra, dans le cadre de la logique de « réservoir de forces », d’optimiser la gestion des activités des commandos.
Les modifications structurelles de la réforme « Commando 2001 » s’accompagnent également d’une remise à niveau du matériel (armement, optronique, transmissions, équipement individuel, drome de base, matériel d’escalade, matériel d’aérolargage hors parachute). Les dotations en matériel sont adaptées aux différentes dominantes d’action — assaut, reconnaissance, destruction à distance — tandis que l’ajustement des effectifs crée des besoins supplémentaires en matériel.
Dans cette nouvelle structure, les commandos marine conserveront une grande polyvalence, comme les autres unités du Cos. La préservation d’un seuil de polyvalence minimum touche principalement quatre domaines : l’aspect nautique, le combat, les techniques 3D (maîtrise des trois milieux) et les transmissions. Pour ce qui concerne le domaine nautique, il s’agit de maintenir la capacité de conduite de raids nautiques en autonomie, pôle d’excellence des commandos marine. Pour le combat, les capacités opérationnelles sont plus classiques, puisqu’il s’agit de l’infiltration, du stationnement en zone d’insécurité, du sabotage élémentaire, du combat urbain, et du franchissement horizontal et vertical d’obstacles. Enfin, les commandos doivent préserver leurs compétences en techniques d’aérocordage à partir d’hélicoptères, de marquage et de largage en opérations spéciales, de saut de manœuvre, de renforcement d’une force navale par aérolargage, et, capacité très pointue, d’aérolargage à la mer sans recueil.
Les techniques de transmission regroupent tous les procédés modernes.
Ainsi organisés, les commandos marine pourront maintenir le savoir-faire dont ils ont fait preuve sur tous les théâtres dans les années récentes, et spécialement dans l’action à partir de la mer. ♦
(1) Il prévoit le débarquement en moins de douze heures d’un groupe interarmées de 1 400 hommes.