La bataille des langues en Europe
La « Charte européenne des langues régionales ou minoritaires » adoptée par le Conseil de l’Europe en 1991 est une machine de guerre consciente et volontaire de l’Allemagne contre la France. Il est de la liberté d’Yvonne Bollmann de le prétendre et d’essayer de le démontrer. Elle s’appuie pour cela sur une radioscopie très précise du groupe de pression organisé autour de la revue Europa Ethnica publiée à Vienne et spécialisée dans la question des nationalités et des minorités. Elle montre aussi que l’attitude de l’Allemagne au Conseil de l’Europe dans le domaine des langues et des minorités correspond à une très ancienne tradition diplomatique.
Son propos ne manque pas de conviction, mais il est cependant fortement affaibli par le ton qu’elle emploie à l’égard de notre voisin. Elle n’hésite pas à recourir à des formules dont l’agressivité ne se justifie guère, à donner aussi parfois dans le chauvinisme voire dans la mauvaise foi. Un doute surgit même sur sa compétence : son détour par la Cour européenne des droits de l’homme est utile pour la compréhension du sujet mais, en confondant un juge avec un représentant national, Yvonne Bollmann révèle qu’elle ne maîtrise pas totalement son sujet.
Deux points de son livre méritent néanmoins une attention particulière compte tenu du débat en cours en France.
Les travaux préparatoires de la Charte ont montré le rôle essentiel joué par des organisations non gouvernementales (ONG) comme Intereg. Elles ont su frayer la voie à des décisions politiques et trouver épisodiquement le soutien discret d’États qui n’auraient pas pu faire la promotion directe des thèmes qu’elles défendent. On rejoint ainsi les actuelles réflexions du ministre des Affaires étrangères français sur les modalités d’insertion des dans les circuits diplomatiques traditionnels.
Les délais nécessaires à la reconnaissance de cette Charte par la France et les polémiques internes qu’elle a occasionnées trahissent une forme de surprise de notre diplomatie. On suivra l’auteur sur ce point. Les travaux menés par les ONG méritent une attention approfondie sur une longue et, parfois, comme ici, très longue durée. Il est risqué de les considérer comme insignifiants précisément parce que non politiques et d’imaginer qu’une attitude restrictive au moment de la réception en droit interne suffira à en contrôler d’éventuels effets nocifs car, alors, il est trop tard. Dans des domaines de plus en plus nombreux et substantiels la norme se décide désormais ailleurs, non plus à Paris mais à Bruxelles, Genève, New York ou Vienne. La France, comme les autres États, en devient l’agent exécutif. L’avènement de l’Union européenne n’a fait qu’accélérer l’évolution et la rendre plus évidente.
Ce brûlot germanophobe aura au moins contribué à étayer cette démonstration. ♦