La rédaction n'a pas résisté au plaisir d'offrir à ses lecteurs un extrait d'une chronique militaire de la RDN d'octobre 1961. Nous contribuons ainsi à fêter le 40e anniversaire de la Délégation, ministérielle puis générale, pour l'armement.
Chronique militaire - Organisation et fonctionnement de la Délégation ministérielle pour l'armement (octobre 1961)
Le général d’armée Lavaud, Délégué ministériel pour l’armement, a, au cours d’une conférence à l’IHEDN, rappelé ses attributions, défini l’organisation de ses services et précisé ses conceptions du fonctionnement de la Délégation ministérielle pour l’armement.
Après avoir évoqué comment, depuis 1914, les problèmes d’armement avaient été résolus, le Général Lavaud rappelle que chaque fois que la Nation s’est trouvée dans des situations graves, la nécessité est apparue de rechercher une formule permettant d’avoir une autorité unique chargée d’étudier et de fabriquer des armements, seule solution valable pour obtenir le maximum d’efficacité. Ce fut le cas en 1914-1918, 1939-1940, en 1943, puis après la Libération.
Cette efficacité nécessite un personnage unique pour effectuer ou proposer au Gouvernement les arbitrages indispensables, tout particulièrement dans trois secteurs essentiels :
— matières premières ;
— énergie ;
— importations.
Dans les périodes graves, on ne dispose jamais de tout ce dont on aurait besoin ; il faut donc opérer un choix et s’il n’existe pas un homme qui tient dans ses mains l’ensemble du système dans un secteur donné, les arbitrages sont mauvais ou inopérants.
Dans les temps présents, la mise en œuvre de la Loi-Programme et les domaines nouveaux très vastes et particuliers qu’elle ouvre dans les délais réduits, rendaient la présence d’un seul responsable tout à fait nécessaire.
Puis le Général Lavaud analyse les raisons particulières qui justifient dans le moment la création d’une telle Délégation Ministérielle. Il dégage cinq idées essentielles :
— la mise en commun de tous les efforts dans les trois domaines majeurs : l’atome, les engins, l’électronique ;
— l’organisation de la recherche, non plus à court terme, mais à longue échéance, dix ou quinze ans ;
— la nécessité d’adapter nos moyens anciens aux nécessités nouvelles et par suite de faire des reconversions, des contractions ou des cessions d’organismes existants ;
— la nécessité de développer la coopération internationale dans le cadre actuel ;
— le besoin d’animer nos exportations d’armements.
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Puis le général Lavaud présente l’organisation générale de la Délégation à l’armement. Quatre Directions techniques : la Direction des Poudres, qui faisait partie des Services Communs et relevait du Ministre, et une Direction technique dans chaque Armée (DEFA pour l’Armée de Terre, DCCAN pour la Marine et DTIA pour l’Armée de l’Air).
En outre, une Direction des Recherches et Études vient d’être créée dont la mission est d’abord d’« orchestrer » les recherches (jusqu’ici effectuées à la diligence des services techniques et souvent orientées suivant les idées personnelles des ingénieurs), ensuite d’assurer une meilleure liaison entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, enfin d’amener l’Université, avec tout ce qu’elle comporte de possibilités dans ce domaine, à travailler avec les Armées.
Cette nouvelle Direction vient d’être confiée à M. Malavard, Professeur à la Sorbonne ; M. Malavard ainsi que son adjoint, le Professeur Aigrin, conserveront leurs chaires, ce qui permet ainsi de réaliser une heureuse et fructueuse association avec l’Université et tout ce qui la touche de près : le CNRS et d’autres organismes de recherche plus ou moins apparentés.
Certes, les universitaires tiennent à conserver une grande liberté ; ils veulent mener leurs recherches comme ils l’entendent ; mais il n’y a aucune raison de penser qu’ils ne voudront pas unir leurs efforts à ceux des chercheurs militaires. D’ailleurs les crédits attribués aux études et recherches sont importants : ils permettent, mieux orientés, d’en tirer un meilleur rendement. Le Général Lavaud espère ainsi, quand le système sera établi, pouvoir indiquer aux chefs d’états-majors, l’armement dont, en se basant sur tel ou tel principe nouveau vérifié, ils pourront disposer une dizaine d’années plus tard, d’où la possibilité de faire des choix au lieu de cheminer avec le simple souci de rattraper ses voisins.
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En ce qui concerne l’Administration Centrale de la Délégation, le Général Lavaud a créé huit départements :
— trois sont des départements fonctionnels : un département « Atome » ; un département « Engins » ; un département « Télécommunications et radars ». Tous les problèmes traités dans ces domaines par les Directions techniques passeront par le Département qualifié pour parvenir à l’échelon du Délégué ministériel pour l’armement ;
— trois autres départements sont des départements de planification et d’expansion : département des « Plans en développement », chargé de suivre le développement de la Loi-Programme et des plans de l’ensemble des Armées, de la reconversion de certains ateliers ; département des « Programmes et Budget », organisme qui existait déjà et qui était rattaché à la Direction des Services financiers ; un département « Expansion-Exportation » pour répondre à la nécessité d’exporter : depuis 1957 nos exportations de matériels militaires sont passées de 50 milliards à 120 milliards d’anciens francs et la centralisation des ventes permettra de faire une politique plus cohérente dans ce domaine ;
— un département « d’Administration générale », comme dans tout organisme important, à qui va incomber une tâche d’uniformisation et de mise en ordre administrative ;
— enfin, un département « Organisation », département de synthèse chargé d’élaborer les décisions et qui constitue, en fait, le Cabinet du Délégué.
Puis le général Lavaud précise son point de vue sur les Comités de programmes restreints et pléniers. C’est par eux que se fera la véritable liaison entre les Armées et la Délégation à l’armement et c’est au sein de ces Comités que l’autorité du ministre s’exercera. Les Comités de programmes sont placés sous la présence effective du ministre : y participent le Délégué à l’armement, les chefs d’états-majors en personne, les directeurs techniques ainsi que l’inspecteur des Fabrications et Programmes. C’est au sein de ces Comités que sont étudiés tous les problèmes qui donnent lieu à arbitrage.
Les Comités restreints ne comprennent qu’un ou deux chefs d’états-majors et le Délégué armement ; ils tendent à résoudre les problèmes qui n’ont pu être réglés à l’échelon des services.
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Pour conclure, le général Lavaud indique que la Délégation ministérielle pour l’armement sera en mesure de fonctionner normalement et d’une façon utile à partir du 1er janvier 1962. Le budget 1961 ayant été engagé bien avant cette réforme des structures, ce n’est qu’avec le budget 1962 que la Délégation à l’Armement pourra commencer à jouer efficacement son rôle. ♦