Afrique - République démocratique du Congo : les accords de Lusaka
Les guerres multinationales africaines qui déchirent le continent depuis que les États ont accédé à l’indépendance, et plus particulièrement la région des grands lacs au lendemain du génocide rwandais de 1994, ont fait l’objet de multiples tentatives de médiations qui se sont soldées, dans la plupart des cas, par un échec.
Après plusieurs décennies de secousses, de conflits interethniques, de violences politico-sociales, la République démocratique du Congo (RDC), aujourd’hui fragmentée en deux ou trois entités bien distinctes, a peut-être une chance de s’engager vers une réconciliation nationale, vers la paix. Alors que que Kabila père, sans doute peu pressé d’en finir avec la guerre, n’avait eu de cesse de rejeter le médiateur retenu par les accords de Lusaka de 1999, contrecarrant même toute tentative de rencontre entre l’opposition non-armée et les mouvements rebelles, Kabila fils, nouveau président de la RDC après l’assassinat de son père le 16 janvier 2001, s’est engagé sur le chemin de la paix en reconnaissant comme médiateur officiel de la crise, l’ancien président du Botswana, Ketumile Masire, et ce à la grande satisfaction des mouvements rebelles.
Les dispositions de l’accord
Signés le 10 juillet 1999 par la RDC et ses alliés, le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie, ainsi que par l’Ouganda et le Rwanda qui appuient la rébellion ; ratifiés en août 1999 par le Mouvement de libération du Congo (MLC) et les deux tendances du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), les accords de Lusaka (Zambie) sont composés par un accord de cessez-le-feu en République démocratique du Congo et de trois annexes (A, B, et C) qui détaillent les obligations des uns et des autres.
Le préambule rappelle les grands principes de la charte de l’Onu, en son article 52 afférant aux arrangements régionaux concernant les questions relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales dans le cadre d’une action régionale appropriée ; de l’article 3 de la charte de l’OUA qui, entre autres, garantit à tous les États membres le droit à leur souveraineté et à leur intégrité territoriale.
Prenant acte de l’engagement du gouvernement congolais, du RCD, du MLC ainsi que de toutes les organisations politiques et civiles congolaises à organiser un dialogue sans exclusive, visant à aboutir à la réconciliation nationale et à l’instauration d’un nouvel ordre politique en RDC, l’accord de cessez-le-feu impose (article I) aux différentes parties au conflit d’arrêter les hostilités en RDC dans un délais de 24 heures après la signature de l’accord. Il est regrettable de constater qu’aucune des parties n’a respecté cette clause, chacune rejetant sur les autres la responsabilité de l’échec. L’article I interdit également tous les actes de violence contre les populations civiles par le respect et la protection des droits humains. Ces actes de violences incluent les exécutions sommaires, la torture, le harcèlement, la détention et l’exécution des civils basés sur leur origine ethnique, le recrutement et l’utilisation des enfants soldats, la violence sexuelle, le bombardement et le massacre des populations civiles, la propagande et l’incitation à la haine ethnique et tribale, l’armement des civils, la détention et l’exécution des prisonniers d’opinion, les coupures d’eau et d’électricité, la formation et l’utilisation des terroristes ; tout ravitaillement en munitions et en armes des magasins de guerre au front.
L’article II quant à lui se préoccupe essentiellement de la sécurité et dispose que dès l’entrée en vigueur de cet accord, les signataires s’engagent à trouver immédiatement des solutions aux préoccupations de sécurité de la RDC et des pays voisins. L’article III enfin rappelle les principes de l’accord. Ainsi, le cessez-le-feu n’exclut pas le ravitaillement en nourriture, habillement et services médicaux destinés aux forces militaires sur le terrain ; garantit la libre circulation des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national congolais ; les parties faciliteront l’acheminement de l’aide grâce à l’ouverture de couloirs humanitaires et la création de conditions favorables à la fourniture de l’aide d’urgence aux personnes déplacées, aux réfugiés et autres personnes concernées. Le Conseil de sécurité des Nations unies, agissant conformément aux dispositions du chapitre VII de la charte des Nations unies et en collaboration avec l’Organisation de l’unité africaine (OUA), sera appelé à constituer, faciliter et déployer une force de maintien de la paix en RDC afin d’assurer la mise en œuvre de cet accord. Aux termes de celui-ci et à l’issue des négociations politiques intercongolaises, l’autorité administrative de l’État sera rétablie sur l’ensemble du territoire national de la RDC.
L’annexe « A », composée de treize chapitres, s’intéresse aux modalités de mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu en RDC. Ainsi, il fixe les conditions de la cessation des hostilités, du désengagement des forces en présence, de la libération des otages et de l’échange de prisonniers de guerre sous le contrôle et l’assistance des représentants du Comité international de la Croix-Rouge-Croissant Rouge (CICR-CR), du retrait ordonné de toutes les forces étrangères du territoire national de la RDC. De même, il enjoint à la commission militaire mixte, avec l’assistance des Nations unies, d’élaborer et de mettre immédiatement en œuvre les mécanismes pour la poursuite, le cantonnement et le recensement de tous les groupes armés qui se trouveraient en RDC, et de former une armée nationale, restructurée et intégrée, incluant les forces des parties congolaises du présent accord, sur la base des négociations entre le gouvernement de la RDC, le RCD et le MLC. Enfin, il encadre la normalisation de la situation le long des frontières communes entre la RDC et ses voisins.
L’annexe « B », de son côté, fixe le calendrier de la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu. Ainsi, de la signature de l’accord de cessez-le-feu aux mesures de normalisation de la situation le long des frontières internationales, il aurait du s’écouler 365 jours. La réalité sur le terrain du conflit est moins optimiste.
L’annexe « C », enfin, est un catalogue des définitions de certains mots et expressions utilisés dans cet accord.
Un réel espoir
En reconnaissant l’ancien président du Botswana, Ketumile Masire, comme médiateur officiel de la crise, Joseph Kabila vient de faire naître un réel espoir dans la recherche de l’application de l’accord de Lusaka, favorisant par là l’instauration de la paix, la concorde régionale et la reconstruction d’un État congolais aujourd’hui inexistant. La communauté internationale extra continentale a également un rôle à jouer dans ce processus de stabilisation régionale. Les Belges, responsables historiquement d’avoir mis sur orbite un Congo non préparé à l’indépendance, font aujourd’hui leur mea culpa de manière assez honnête et s’activent aussi de manière équilibrée dans la recherche d’une nouvelle paix ; ce qu’on ne peut pas dire de tous les autres pays actifs dans la région. Si des pans entiers de l’histoire congolaise sont de plus en plus clairs, il reste sans doute encore à mettre à jour la responsabilité de pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne ou la France en ce qui concerne le passé récent du Congo.
S’il est vrai qu’entre les États il n’y a que des intérêts à préserver, il n’en demeure pas moins que la recherche effrénée de ceux-ci devrait, de plus en plus, être limitée par une certaine éthique. À défaut on connaît le risque de voir sombrer des pays, des régions entières dans le cycle de la violence. ♦