Washington intervient en Asie centrale avec une détermination à la fois politique – mener la guerre antiterroriste ; économique – contrôler les hydrocarbures de la Caspienne ; et stratégique – prendre à revers la Chine. Les États-Unis seront contrecarrés par les puissances continentales : RPC et Iran surtout, la Russie se satisfaisant de trouver un allié face à la Chine. Mais c'est encore de l'islam que proviendra l'opposition la plus déterminée, attisée par les trafiquants de drogue. Dans ce Très Grand Jeu incluant dorénavant les États-Unis, la Maison-Blanche ne pourra réussir que par une nouvelle donne axée sur l'aide économique et humanitaire. Vaincra-t-elle ? Peut-être car, pour les Centre-asiatiques, une défaite des Américains serait encore pire que leur victoire.
Asie centrale : le Très Grand Jeu
L’intervention américaine en Afghanistan est, pour l’Asie centrale (1), un événement majeur, absolument nouveau. Cette région, chasse gardée des seules puissances continentales (Russie, Chine, Iran), végétait sous l’influence passéiste de ces « empires », longtemps demeurés à l’écart, ainsi que d’un islam replié sur lui-même. L’implication occidentale, même économique, était, sauf au Kazakhstan, plutôt limitée et peu orientée vers les problèmes de défense. Cependant, voici que la superpuissance mondiale est décidée à s’engager en Afghanistan avec un luxe de moyens militaires et humanitaires, et toute sa force moderniste. Par l’installation de bases aériennes, par les promesses politiques et financières, l’action entamée déborde déjà, du Pakistan à la Kirghizie, sur le pourtour afghan. L’ampleur de cet engagement, son développement systématique en profondeur, mais aussi les déclarations des responsables américains qui soulignent l’importance géopolitique de toute l’Asie centrale, amènent à se poser des questions sur les motivations de la Maison-Blanche. Ne dépassent-elles pas le cadre, somme toute étroit, de l’affaire afghane ? Ne concerneraient-elles pas aussi, à terme, le contrôle et la défense des ressources en hydrocarbures de la Caspienne et, à échéance plus lointaine, une prise à revers de la Chine ? À la longue, si les États-Unis insistent, toute l’Asie centrale devrait être concernée, en tout domaine, par ce « débarquement américain » et pourrait donc s’ouvrir en grand à l’influence occidentale.
La résistance n’en serait que plus déterminée et multiforme : depuis celle des pouvoirs despotiques, des trafiquants de drogues ou des milieux traditionalistes et islamistes, jusqu’à celle de certaines puissances continentales, forcément inquiètes des visées américaines, en particulier stratégiques ou économiques.
Il en résulterait une empoignade où, en Afghanistan, les bombardements des coalisés et, en tout lieu, les réactions musclées de Washington succéderaient aux tentatives de coups d’État, aux attentats terroristes de style arabe, aux coups feutrés à l’asiatique. À la fin des fins, si les États-Unis ne se lassent pas ou ne sont pas pris par ailleurs, au Proche-Orient par exemple, nous pourrions assister au décloisonnement tant attendu de l’Asie centrale et à son aggiornamento. Le Grand Jeu ravageant traditionnellement cette contrée, livrée aux rivalités extérieures, se transformerait alors en « nouvelle donne » : l’Amérique et l’Occident feraient enfin tous les efforts nécessaires pour sauver les peuples centre-asiatiques de leur misère, de leur retard, et pour les empêcher de nuire.
Il reste 90 % de l'article à lire
Plan de l'article