Défense en Europe - Le processus d'adhésion à l'Otan
Parmi les innombrables voyages de Lord George Robertson of Port Ellen, secrétaire général de l’Otan, beaucoup d’entre eux visaient à constater l’état d’avancement des dossiers de demande d’adhésion à l’Alliance atlantique.
Autant la première vague d’adhésions s’est déroulée sans heurts et avec célérité, autant la deuxième suscite réserves, délais, concurrence, interventions et incertitudes d’ici au sommet de Prague les 21 et 22 novembre 2002.
La première vague
Le processus d’adhésion de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque s’est étalé du 10 janvier 1994 au 16 mars 1999. La première de ces dates correspond au sommet de Bruxelles, où les 16 Alliés ont exprimé leur souhait d’élargissement aux démocraties nouvelles de l’Europe de l’Est, conformément à l’article 10 du traité de Washington qui ouvre l’Alliance à tous les pays d’Europe qui en remplissent les conditions et qui sont susceptibles de participer à la sécurité dans sa zone d’application. La deuxième date correspond à l’envoi des couleurs des trois nouveaux membres aux mâts de pavillons du quartier général de l’Otan à Evere, portant ainsi leur nombre à 19.
Entre-temps, les dates marquantes avaient été :
– le 8 juillet 1997, lors du sommet de Madrid, où la Hongrie, la Pologne et la République tchèque étaient invitées à entamer les discussions d’accession ;
– le 16 décembre 1997, lorsque les ministres des Affaires étrangères des 16 signaient les protocoles d’accession ;
– le 12 mars 1999, après que les processus constitutionnels nationaux aient abouti, les ministres des Affaires étrangères des 3 pays candidats déposaient les instruments d’accession au traité de l’Atlantique Nord au cours d’une cérémonie à Independence (Missouri). Il faut se souvenir que cette date correspond au cinquantième anniversaire de la signature du traité de Washington (4 avril 1949) et à la fin du deuxième mandat du président des États-Unis Bill Clinton. Cette concomitance a fait naître des critiques consistant à dire qu’il fallait admettre rapidement de nouveaux membres de façon à pouvoir montrer de belles cérémonies au bon moment.
Les nouveaux candidats (1) souffrent de ces critiques aussi bien pour leurs dossiers vers l’Otan que vers l’UE. L’Otan va être plus sévère dans l’appréciation des critères d’adhésion ; l’Union européenne souligne que l’on n’y rentre pas aussi facilement que dans l’Otan et qu’elle sera vigilante dans l’étude des 31 chapitres sanctionnant le partenariat pour l’adhésion et les programmes nationaux d’adoption de l’acquis.
Les conditions d’adhésion
Quelles sont donc les conditions pour rentrer dans l’Alliance atlantique ?
L’article 10 du traité de Washington énonce :
« Les parties peuvent, par accord unanime, inviter à accéder au traité tout autre État européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent traité et de contribuer à la sécurité de la région de l’Atlantique Nord. Tout État ainsi invité peut devenir partie au traité en déposant son instrument d’accession auprès du gouvernement des États-Unis d’Amérique. Celui-ci informera chacune des parties du dépôt de chaque instrument d’accession ».
Les protocoles du 16 décembre 1997
« Nous (ministres des Affaires étrangères) restant attachés à la mise en œuvre du processus d’élargissement (…) avons adopté les modalités de la poursuite des dialogues intensifiés. Ces dialogues couvriront toute la gamme des questions politiques, militaires, financières et de sécurité liées à une éventuelle adhésion à l’Otan, sans préjudice de toute décision que prendrait l’Alliance, à terme ».
Il est intéressant de noter, dans ce relevé de décisions, la distinction faite entre l’Otan et l’Alliance atlantique même si, en l’occurrence, le texte ne fait qu’entretenir la confusion. Vaclav Havel avait souligné ce point en son temps : il s’agit de devenir partie à un traité et non de rentrer dans une organisation. Comment pourrait-on être membre de l’Otan (simple organisation) sans être partie au traité (alliance contraignante) ? Cette distinction est en général balayée d’un revers de main : l’Alliance atlantique et l’Otan, c’est la même chose. Le texte des ministres des Affaires étrangères est un des rares exemples en faveur d’une distinction qui ne semble pas superflue.
Tout irait bien si la raison d’être du traité de Washington ne s’estompait pas dans les mémoires au point de croire qu’il a été signé en réaction au pacte de Varsovie, qui lui est postérieur (14 mai 1955), ou pour se protéger de l’URSS, ce qui est historiquement faux.
Le plan d’action pour l’adhésion
Ce plan, Membership Action Plan (MAP), est destiné à aider les pays qui souhaitent rejoindre l’Alliance. Il leur propose avis, assistance et soutien sous toutes leurs formes.
Le MAP a été lancé à Washington DC le 24 avril 1999. Il est divisé en cinq parties.
I - Questions politiques et économiques.
Les pays candidats doivent exprimer et prouver leur volonté et leur capacité d’assumer les obligations et engagements découlant du traité de Washington et des dispositions pertinentes de l’étude sur l’élargissement de l’Otan.
II - Questions militaires et de défense.
La disposition des pays candidats à améliorer progressivement leurs capacités militaires est un facteur déterminant. Les candidats doivent être prêts à partager les rôles, les risques, les responsabilités, les avantages et les charges d’une sécurité commune et d’une défense collective.
III - Questions de ressources.
Les nouveaux membres doivent s’attendre à engager des ressources budgétaires suffisantes pour se donner les moyens de remplir les engagements qu’implique une adhésion éventuelle.
IV - Questions de sécurité.
Il s’agit de la mise en place des procédures et des sauvegardes suffisantes pour assurer la sécurité des informations les plus sensibles.
V - Questions juridiques.
Les législations nationales des candidats doivent être compatibles avec celles qui régissent la coopération au sein de l’Otan.
Le déroulement du processus
Dans chacun des pays concernés, dès avril 1999, la constitution des dossiers MAP est allée bon train. Pour faciliter et harmoniser leurs travaux, les pays candidats ont créé, en mai 2000, le « groupe de Vilnius » qui affichait immédiatement le souhait de voir les 9 candidats admis en bloc ; c’était l’hypothèse « big bang », essentiellement destinée à ne pas dissocier les trois États baltes.
Depuis cette époque, le secrétaire général de l’Otan rappelle sans relâche que la phase actuelle est une phase de consultation et non de décision. Les seuls éléments de réponse concédés par Lord Robertson ont consisté à écarter l’« option zéro » : il y aura entre un et neuf candidats admis.
Le groupe de Vilnius a immédiatement remonté la barre en accueillant la Croatie lors de sa dernière réunion, le 8 mars 2002, et en concluant que les dix pays du groupe devraient être invités à adhérer à l’Alliance atlantique.
Lord Robertson a fait la sourde oreille à cette surenchère et répété qu’aucune décision ne serait prise avant le sommet de Prague. D’ici là, le rapport final du processus MAP sera soumis aux ministres des Affaires étrangères, mi-mai, à Reykjavik. ♦
(1) Pour mémoire il s’agit de l’Albanie, la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Macédoine, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie.