Commandos de chasse Gendarmerie. Algérie 1959-1962, récits et témoignages
Le Service historique de la gendarmerie publie cette intéressante étude du lieutenant-colonel Allès, ancien cadre des commandos de chasse. Très précise, sa relation rappelle les conditions de formation et d’action de ces unités, constituées à la demande du général Challe en juin 1959. D’abord réticent, le commandement de la gendarmerie accepte de fournir l’encadrement de six commandos, pour des contrats d’un an renouvelable, sous réserve que ces unités soient stationnées dans un seul département. Une vingtaine d’officiers et une centaine de gradés et gendarmes sont recrutés, la plupart dans les escadrons de gendarmerie mobile. Ils mettent sur pied, de juillet à décembre 1959, les commandos dénommés Pirate 20, 21, 22, 26, 43 et 44. Une centaine de supplétifs par commando sont fournis initialement par l’armée de terre. Le capitaine Schaefer dirige avec dynamisme cette mise sur pied.
Après un stage de formation à la BTAP (commandant Robin) à Blida, puis au Centre d’entraînement et de perfectionnement des commandos de chasse à Oued Fodda, ils sont subordonnés à la zone Ouest algéroise (ZOA-Orléansville) et implantés dans les massifs difficiles du Dahra, du Zaccar et du Nord de l’Ouarsenis. Mettant en œuvre les procédés des commandos : observation (chouf), embuscades et combat de choc contre les katibas qu’ils ont mission de marquer, ils font régner l’insécurité dans leurs zones de chasse et obtiennent de juillet 1959 à mars 1962 des résultats substantiels : 952 rebelles mis hors de combat, 339 armes saisies, au prix de 37 morts dans leurs rangs.
En mai 1960, un détachement héliporté d’exploitation du renseignement (DHER, appelé Partisan noir), disposant d’hélicoptères H 34, est constitué à Mouafekia, par prélèvement de huit hommes par commando. Il intervient avec succès au profit de la ZOA. En mai 1961, l’interruption unilatérale des opérations offensives se traduit par un renforcement de la rébellion ; près de Miliana, un convoi tombe dans une embuscade qui fait sept morts dont deux officiers de Partisan 44.
En novembre 1961, 90 % des cadres et gendarmes répondent négativement à une enquête de commandement qui leur propose de participer à la lutte contre l’OAS. Poursuivant la lutte contre le FLN, ils recrutent encore 16 harkis en février 1962. Ils observent avec déchirement les conditions de leur dissolution en avril 1962, et les directives qui leur interdisent d’intervenir au profit des personnes menacées. 86 harkis souscrivent un engagement, dont 14 dans les GMS. Nul ne sait ce que sont devenus les 500 supplétifs qui ont regagné leurs villages.
« La plupart des officiers et sous-officiers qui ont vécu cette aventure en ont conservé un souvenir vivace. Pouvaient-ils oublier la cohésion de leurs unités, la connivence qui marquait leurs rapports avec les harkis, le dévouement et la fidélité de ces supplétifs à leur égard et la richesse d’une expérience unique dans une situation exceptionnelle ? Le sort réservé aux harkis les a profondément marqués, leur laissant un indéfinissable sentiment d’amertume, loin de s’être estompé avec le temps ».
Cette conclusion de Jean-François Alès exprime le souvenir douloureux qu’ils ont conservé d’une expérience qui fait honneur à la gendarmerie. ♦