Portalis, père du code civil
Issu d’une famille de la haute bourgeoisie provençale, Jean-Étienne Portalis devient à vingt-deux ans avocat au parlement d’Aix. Il acquiert rapidement une grande réputation grâce à ses talents d’orateur et s’illustre notamment dans le procès de Mirabeau contre son épouse. Élu par les départements de la Seine et du Var, il entre au Conseil des Anciens lors du Directoire en l’an III. À ce poste, il défend, entre autres, la liberté de la presse et plaide pour l’abolition de la législation qui frappe les émigrés et les prêtres réfractaires.
Après le coup d’État du 18 Brumaire, il rejoint Paris en février 1800 et est nommé commissaire du gouvernement, puis conseiller d’État. Membre de la commission de rédaction du Code civil, il y conduit un travail remarquable aux côtés de Tronchet, Bigot de Préameneu et Maleville, avant de présenter son projet de code au corps législatif en 1804. Parallèlement à ces travaux, Portalis est chargé de la mise en œuvre du Concordat signé en 1801 avec le Saint-Siège. Il est nommé, par la suite, à la tête de la direction générale des cultes et acquiert rapidement le statut de ministre, en 1804. Malgré sa cécité dès 1805, il tiendra son poste jusqu’à sa mort le 25 août 1807. Il est aujourd’hui inhumé au Panthéon.
Portalis présente une figure complexe, et il apparaît, à travers cet ouvrage, tout à la fois comme un homme de compromis incarnant « l’esprit de modération » et comme un homme engagé manifestant une pensée originale et des convictions courageuses. Ainsi développe-t-il une conception véritablement moderne de la justice et des sources du droit. Ses conceptions révèlent en effet une véritable anticipation de l’état de droit et une indépendance sans ambiguïté du juge par rapport au pouvoir. Mais, plus que le simple culte de la loi, il y a chez Portalis un important combat pour le droit, une passion et un style que tous ses contemporains ont soulignés et admirés.
Cette biographie vient à point nommé en cette année de bicentenaire du Code civil dont il fut le père, et qu’il défendit avec tant d’abnégation devant le Conseil d’État et le Corps législatif. Cette réussite est due, tout à la fois, à l’esprit de transaction de cet avocat, juriste et philosophe et à la volonté unificatrice de Bonaparte.
Il a ainsi bâti le plus solide de ce qu’ont légué à la France le Consulat et l’Empire : le Concordat a ramené pour longtemps la paix religieuse et avec elle la paix intérieure ; le Code civil a établi sur une France durement secouée par l’Histoire une législation uniforme, synthèse du droit d’Ancien Régime et des idées nouvelles, sur laquelle repose toujours notre droit et qui a, depuis, inspiré les lois de dizaines de pays dans le monde. Autant de traits et de titres de gloire qui justifient la publication d’une biographie fouillée et attentive du plus grand juriste français moderne, homme de pensée et homme d’action.
Jean-Luc A. Chartier, avocat à la Cour, est également historien. ♦