Le père René de Naurois est, à 98 ans, l’un des 31 membres encore vivant du « commando Kieffer ». Lieutenant d’artillerie de réserve en 1935, ordonné prêtre en 1936, il est mobilisé le 1er septembre 1939 à l’état-major de la 1re Armée. Démobilisé le 30 juillet 1940, il débarque le 6 juin 1944 sur les plages de Normandie comme aumônier du 1er BFM (Bataillon de Fusiliers marins).
Aumônier du commando Kieffer - Entretien avec René de Naurois
J’avais décidé de quitter la France dès la défaite, en juin 1940. Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, dont je dépendais, indigné et très ému par la déroute de l’armée française, me demanda d’abord expressément de rester, avant de me conseiller de « filer » lorsqu’il a su que les Allemands s’intéressaient à moi. Nous nous sommes vus à Toulouse avant mon départ : très émouvant. Je suis parti pour Londres, début novembre 1942, en passant par l’Espagne. Arrivé à Gibraltar en février 1943, les Anglais m’ont demandé qui je choisissais : Giraud ou de Gaulle ? Par une erreur d’aiguillage, j’ai bien failli être embarqué sur un bâtiment en partance pour le Maroc, chez Giraud. Le commandant, un fervent gaulliste, m’en a informé à temps et j’ai pu prendre un bateau pour l’Angleterre. Arrivé à Londres, en mars 1943, je suis très vite allé voir de Gaulle. Je m’étais dit : « Si nous ne nous entendons pas, je demanderai à servir dans l’armée anglaise ! ». Je lui ai fait part de mon souhait de servir comme aumônier. J’étais officier d’artillerie, mais j’étais d’abord prêtre et voulais être présent, comme tel, aux côtés de mes camarades. De Gaulle m’a proposé trois unités de la France libre : Normandie-Niemen, qui combattait aux côtés des forces soviétiques, une unité de parachutistes, ou les fusiliers marins commandos français.
Je n’ai pas hésité : les commandos. « Eh bien, Naurois, vous serez marin » m’a lancé de Gaulle, avec l’intonation qui le caractérisait. Les commandos étaient sous les ordres du commandant Kieffer. Je les ai rencontrés pour la première fois à Achnacarry en Écosse où ils s’entraînaient dur. Pendant toute la période qui a précédé le débarquement, ils ont été basés en divers endroits, en Écosse mais aussi au Pays de Galles, en Angleterre et finalement à Bexhill, dans les tout derniers jours.
Quel genre d’homme était le commandant Kieffer ?
C’était un homme physiquement grand, très robuste, un homme cultivé, discret, un méditatif, très courageux, économe du sang de ses hommes, intraitable dès qu’il flairait la lâcheté ou la malhonnêteté. Il était sincèrement chrétien. Il a été pour moi un ami, fidèle !
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