Après avoir marqué de nombreuses pages d’histoire et avoir culminé lors de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée, les opérations amphibies ont connu, en France, une période d’oubli. Depuis 1997, tirant les conclusions de la nouvelle donne géopolitique décrite en partie par le Livre blanc de la Défense nationale, ce domaine de lutte vit un véritable renouveau au sein des armées françaises. Largement inspirés des travaux de l’Alliance dans ce domaine, les états-majors français ont mis en place ces dernières années un nouveau corpus de doctrine. La définition de nouveaux équipements permettra de parfaire un dispositif complet et cohérent dans ce domaine. Partageant avec nos partenaires européens et dans l’Alliance les mêmes réflexions sur l’importance de cette capacité dans la défense du futur, ce dispositif privilégie l’interopérabilité.
Le renouveau de l'amphibie en France
L’histoire des opérations amphibies est aussi ancienne que l’histoire de la guerre elle-même. Dans l’Iliade, la conquête de Troie commence par le débarquement de l’armée grecque. Puis c’est par la mer que César investit le sud de l’Angleterre, que les Normands s’imposent en Normandie et que les Croisés conquièrent la Terre Sainte. Plus tard, le général anglais Wolfe se rend maître du Canada français en combinant habilement opérations amphibies et terrestres. Vingt-deux ans plus tard, sur le même continent, les Français Rochambeau et de Grasse contraignent les Anglais à la reddition de Yorktown. Plus récemment, les Dardanelles puis la guerre du Pacifique et les débarquements alliés en Europe en 1944 démontrent l’ampleur (potentielle) et l’importance que peuvent prendre dans une guerre les opérations amphibies.
L’histoire démontre également à quel point ces opérations sont complexes et sensibles à de très nombreux paramètres. Dans certains cas, en dépit de travaux de planification très avancés, le corps expéditionnaire peut ne jamais embarquer. Ainsi, Napoléon, puis Hitler, ne se sont jamais lancés à l’assaut de l’Angleterre faute d’avoir acquis la maîtrise du Pas-de-Calais. Dans d’autres cas, une fois le corps expéditionnaire embarqué, la flotte peut être dispersée ou détruite en route. Il en est ainsi de la Grande Flotte du Khan Khubilaï au XIIIe siècle, lancée deux fois vers le Japon, et chaque fois détruite par un cyclone (le célèbre kamikaze), ou de la Grande Armada de 1588, avec 200 bâtiments (dont 40 de ligne), 9 000 marins et 19 000 soldats. Et lorsque la flotte peut débarquer son corps expéditionnaire, le succès est encore loin : à Marathon, en 490 av. JC, une petite armée grecque profite de la confusion du débarquement pour détruire la tête de pont des Perses. L’histoire montre toutefois que ce cas reste exceptionnel et que l’échec des têtes de pont se dessine plutôt dans la durée. Aux Dardanelles, la force débarquée s’accroche à grand prix à sa tête de pont, mais finit par rembarquer dès lors que la perspective d’un débouché vers Istanbul s’avère irréaliste. À Anzio, en 1943, un corps d’armée, commandé avec frilosité et contre-attaqué vigoureusement, est réduit à la défensive jusqu’à la percée du Garigliano.
Cette longue liste d’échecs ne doit pas être trompeuse. Il reste en effet de nombreux exemples d’opérations amphibies réussies. Considérons à ce titre la reconquête des Malouines (1982), cas particulier où l’objectif du débarquement se confondait avec l’objectif de la campagne.
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