Renforcer l'intégration de la défense dans la nation
Depuis près d’une décennie, le professeur Pierre Pascallon, président du club de réflexions « Participation et Progrès » et maire de la cité auvergnate d’Issoire, réalise un véritable corpus sur la défense française en couvrant tous les domaines qui lui sont liés : armées, grands programmes d’armement, projets politiques, actions diplomatiques et militaires…
Les colloques ainsi organisés font l’objet d’actes édités régulièrement et qui offrent désormais un panorama quasiment exhaustif sur la question et sans équivalent dans le « petit monde » de l’édition de défense.
Le dernier ouvrage publié traite d’un sujet tout compte fait essentiel et complexe découlant du choix de la professionnalisation annoncée en 1996 et effective depuis deux ans avec la suspension du service national le 1er janvier 2003. Depuis huit ans, la défense a connu une mutation en profondeur touchant toutes ses composantes, certains parlant même de rupture historique obligeant à redéfinir le lien entre la nation et son armée marqué essentiellement par l’obligation du service national pour les jeunes Français.
La présentation de ce travail, le 16 septembre 2004, à Clermont-Ferrand, tombait bien après un été où la défense a fait l’objet d’une polémique très politique dans le cadre de la préparation du budget 2005. De fait, au regard des crises actuelles dans les Balkans, en Côte d’Ivoire et en Irak, on pourrait croire qu’il vaut mieux des forces de police ou de gendarmerie, éventuellement des forces dites « médianes » avec des moyens légèrement protégés, a priori moins coûteuses, plutôt que des forces armées reposant sur le traditionnel triptyque Terre-Air-Mer et s’appuyant sur des armements performants et du personnel bien entraîné et dont le coût est alors plus important.
Or, plus que jamais, dans un environnement international plutôt conflictuel et marqué par la menace terroriste sans cesse croissante, la France, avec raison, poursuit l’effort de remise à niveau de son outil de défense, alors même que ses partenaires européens seraient plutôt pour une réduction des dépenses militaires. Dès lors, il est impératif de faire comprendre aux Français les raisons de ces choix politiques avec leurs implications budgétaires, et de les expliquer inlassablement. Intégrer la défense dans la nation reste donc une obligation et une exigence quasi vitale pour l’institution.
À travers les différentes interventions proposées dans cet ouvrage, il apparaît clairement que cette symbiose Défense-Nation ne peut être le seul fait des militaires et qu’elle doit être un engagement collectif dans lequel l’Éducation nationale a un rôle majeur à jouer et à assumer. Le « parcours citoyen » initié à l’école, qui remplace le terme jugé curieusement obsolète d’éducation civique, reste délicat à mettre en œuvre et ne répond que partiellement aux besoins réels de formation à la citoyenneté des jeunes Français. C’est ainsi que les différents auteurs restent sceptiques sur la Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD) dont la durée (à peine 8 heures effectives) ne peut en aucun cas remplir avec efficience les objectifs recherchés. Il faut toutefois noter avec satisfaction que l’Éducation nationale, longtemps rétive à aborder la question de la défense, s’est progressivement rapprochée du monde militaire grâce à l’action des trinômes académiques et à travers des partenariats multiples, allant des études de défense dans les universités à des initiatives très locales dans le cadre de formations d’apprentissage professionnel.
Il serait toutefois vain de vouloir rapporter toute la richesse des sujets abordés dans cet ouvrage collectif. Soulignons cependant combien est importante l’implication de tous les acteurs de la société. Chacun doit se sentir responsable de cette intégration. Ainsi, les unités, dans leur bassin géographique d’implantation ont, de facto, un rôle déterminant, voire décisif. De bonnes relations avec les municipalités et tous les responsables locaux – élus, corps enseignant, acteurs économiques et sociaux, organisations associatives, organismes culturels… – sont la base de cette relation désormais apaisée entre les armées et la nation.
Il convient aussi d’impliquer la société dans tout son ensemble, et en particulier les décideurs politiques et économiques. Un effort important reste notamment à faire en direction des Grandes Écoles où une partie des élites françaises se forme sans aucune référence aux questions de défense.
On peut juste regretter que la dimension européenne n’ait pas été abordée dans ce livre. Nos voisins immédiats en Belgique, en Espagne ou en Allemagne, par exemple, ont le même souci de préserver ce lien entre les armées et leurs populations ; mais intégrer désormais cette perspective européenne est encore très ou trop ambitieux et demandera un travail de pédagogie et de conviction encore plus important.
Nous ne pouvons que souhaiter la poursuite de l’initiative lancée, il y a une décennie, par Pierre Pascallon ; initiative qui participe en elle-même à renforcer l’intégration de la défense dans notre Nation. ♦