La politique étrangère des États-Unis. Fondements, acteurs, formulation
Cet ouvrage collectif propose une présentation du processus d’élaboration de la politique étrangère des États-Unis et de son évolution historique. Il insiste sur l’environnement qui préside à l’élaboration de cette politique et à sa formulation. L’ouvrage offre une analyse très fine des mécanismes d’élaboration de la politique étrangère américaine et s’appuie sur de nombreux travaux de spécialistes américains et sur les débats qui animent l’étude de la politique étrangère des États-Unis outre-Atlantique.
L’ouvrage souligne qu’initialement c’est le Congrès qui était investi du pouvoir de mener la politique étrangère et non le président. En effet, la Constitution organisait « une incitation à la concurrence entre institutions pour l’obtention du privilège de diriger la politique étrangère. » Ce dispositif institutionnel invitait les deux branches du pouvoir fédéral à coopérer, à établir des compromis, pour exercer un pouvoir partagé. Ainsi, alors que le Congrès avait vu ses pouvoirs sur la politique étrangère établis par les « Articles de la confédération » adoptés le 15 novembre 1777, dès la fin de la Convention, sous l’impulsion de Madison, le président voit ses pouvoirs renforcés par l’attribution, de facto, de la conduite effective de la guerre. Progressivement, tout au long du XXe siècle, l’ascendant du président n’a eu de cesse de s’affirmer.
Cette prééminence présidentielle, résultat d’un long processus historique d’évolution des rapports de force politiques et non de l’organisation constitutionnelle des pouvoirs, a bénéficié de nombreux facteurs. Le président a su tirer profit de l’autorité que lui conféraient ses fonctions de commandant en chef des armées et de la plus forte implication des États-Unis dans le monde à l’occasion de la guerre froide. Cette évolution, entérinée par la Cour suprême, a aussi bénéficié de l’ambiguïté de la constitution sur l’emploi des forces en l’absence de déclaration de guerre.
Cette affirmation des prérogatives présidentielles s’est traduite par une sensible diminution de l’influence du département d’État alors que de nombreux acteurs apparaissaient et voyaient leur influence sur l’élaboration de la politique étrangère se renforcer considérablement. Il s’agit du Conseil de sécurité nationale (NSC), du département de la Défense, qui virent tous deux le jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi des think tanks et des organisations non gouvernementales (ONG). Parmi ces institutions, l’ouvrage insiste sur le rôle clef du conseiller à la sécurité nationale. En effet, c’est par son intermédiaire que le président a pu établir son contrôle sur la politique étrangère américaine. Le NSC est devenu, surtout depuis la présidence de Richard Nixon, le centre du pouvoir en matière de politique étrangère à la Maison-Blanche au point d’éclipser le Département d’État. Les auteurs soulignent le caractère inattendu de cette évolution car, à l’origine, le NSC était une concession bureaucratique accordée par le président Truman au secrétaire à la marine James Forrestal. Aujourd’hui, il apparaît clairement être l’instrument privilégié du président pour imposer sa volonté en matière de politique étrangère. À l’ascendant pris par le NSC depuis les années 1960, s’ajoute les prérogatives de plus en plus importantes du Département de la Défense depuis le milieu des années 1980 dans l’élaboration de la politique étrangère et non plus dans la seule formulation de la politique de défense. Cette évolution est le fait des inflexions récentes de la politique étrangère des États-Unis et de la personnalité et des styles des deux derniers présidents. Elle est symbolisée, lors de la première présidence de George W. Bush, par la position centrale occupée par Donald Rumsfeld.
Cependant, l’ouvrage insiste sur la complexité du processus de formulation de la politique étrangère américaine. En effet, aucun élément ne saurait à lui seul rendre compte de la complexité de ce processus. Aussi forte que soit l’autorité du président dans la formulation de la politique étrangère, il ne doit pas moins tenir compte de la position du Congrès qu’il doit intégrer en amont ou tout au moins anticiper afin de ne pas être désavoué par celui-ci lorsqu’il élabore sa politique. En effet, la loi sur les pouvoirs de guerre et les pouvoirs de financement des opérations sont autant d’occasions pour le Congrès d’imprimer sa marque sur la politique étrangère.
Les auteurs mettent également en avant les risques que font courir à la politique étrangère américaine la force des lobbies et des intérêts locaux ou particuliers. Ceux-ci pourraient rendre la diplomatie américaine incohérente en la ballottant entre des considérations locales et catégorielles contradictoires et entre des intérêts particuliers irréconciliables. D’autant plus que les administrations elles-mêmes agissent souvent davantage dans le sens de leur propre intérêt que dans celui de l’intérêt général. ♦