Commerce et sécurité
Partant du paradoxe que constitue le caractère inconciliable des intérêts économiques avec les intérêts de sécurité, d’autant plus difficile à réaliser dans une société mondialisée où la menace est moins le fait d’États que de groupes terroristes, l’auteur se donne pour ambition, à l’occasion de cette thèse de doctorat, de présenter les structures juridiques, administratives et politiques qui œuvrent à l’élaboration d’une régulation des transferts de biens et technologies sensibles à même de garantir une exploitation des technologies sophistiquées sans hypothéquer la sécurité internationale.
Tandis que les années 1980 accordent la faveur à la recherche civile au détriment des budgets de la défense, désormais, un grand nombre de composants des armes sont issus du marché grand public. Le problème survient lorsqu’une société étrangère acquiert une entreprise française productrice de matières et produits sensibles faisant perdre à la France le contrôle d’une activité stratégique. Il ne s’agit pas d’un cas d’école : l’« affaire Gemplus » a démontré la réalité d’une telle menace dans le domaine des cartes à puce et de leur logiciel.
Tout d’abord, les éléments d’identification d’un commerce des matières et produits sensibles doivent être recherchés. Ils sont constitués par les applications intéressant les armements ou les équipements de défense et de sécurité. On voit dès lors l’ampleur que peut prendre ce marché à l’ère de l’informatique et de la communication ? Puis l’auteur s’attache à expliciter l’organisation du commerce des armes conventionnelles, dont la dissémination reste mesurée. En effet, si l’organisation du commerce international depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale repose sur le libéralisme, il en va différemment pour le commerce des armes, dominé par l’impératif de sécurité ; mais l’ONU reconnaît un droit de légitime défense à tout État agressé. Une certaine transparence du marché est donc nécessaire pour que chaque État puisse assurer sa sécurité.
Ensuite, l’analyse des conditions des échanges commerciaux liés aux armes de destruction massive laisse apparaître une « dissémination confisquée ». Seuls les États occidentaux qui en disposent déjà peuvent les développer. Leur commerce est donc fort réduit. Le Traité de non-prolifération (TNP) a prévu pour la première fois une clause d’utilisation pacifique. Son exécution s’accompagne dès lors de mesures de contrôle. Or, la discrimination entre les pays disposant du nucléaire et les pays qui n’en disposent pas, opérée par cette clause, peut être interprétée comme une brèche au TNP, sous couvert d’usage pacifique. Les produits et matières sensibles débordant le cadre des armes conventionnelles et des armes de destruction massive, la libéralisation des technologies dites « duales » doit se faire dans la préservation des intérêts de sécurité. La « politique de dissémination technologique » a pour objectif la conservation de l’avance technologique. Initialement, on déterminait le niveau technique civil à partir du niveau technique militaire. Aujourd’hui, par un processus de « civilianisation », c’est la démarche inverse qui prime. Enfin, constatant les limites inhérentes aux contrôles opérés sur le marché, l’auteur plaide en faveur d’une nouvelle forme de régulation des matériels et des produits sensibles. ♦