Les Loups de l'Empereur
Avec Les Loups de l’Empereur, Gilles de Becdelièvre ressuscite les premières lignes de Napoléon, ces hussards dont Lasalle fut l’un des plus fameux. L’histoire de ce roman se situe durant la seconde campagne d’Autriche, et plus précisément du vendredi 23 juin au vendredi 7 juillet 1809 s’achevant sur la bataille de Wagram. Dans un contexte historique des plus tendus, Essling fut une bataille avortée, mettant Napoléon d’humeur massacrante alors que l’Archiduc Charles regroupait ses troupes sur la rive droite du Danube. La bataille de Wagram se profilait.
Quel rythme ! Dès les premières lignes, l’auteur nous entraîne dans un récit des plus mouvementés qui le reste jusqu’à la dernière page.
Une véritable recherche historique a été faite par Gilles de Becdelièvre qui, avec une écriture très visuelle, dépeint les caractères des généraux de Napoléon. Ces officiers supérieurs (les colonels Maupoint et Delaborde), mais aussi les généraux (Lasalle, Marulaz, Bruyères, Piré de Rosnyvinen…) réapparaissent, sortis des oubliettes de l’Histoire avec leur personnalité si surprenante.
Retracer la vie quotidienne de ces chasseurs à cheval et des hussards en campagne, tel est le but de ce livre. Conscient de leur rôle et de leur importance, Napoléon passait souvent outre les recommandations de ses états-majors ou de ses maréchaux, plus attentif aux remarques et commentaires de ceux qui « couvraient » le terrain. De même, il savait les protéger afin d’en tirer le plus grand profit. Le général Lasalle – sans doute son plus magistral hussard – était de ceux-ci.
Ces hussards, fiers de servir l’Empereur, étaient avant tout des guerriers, mais leur jeune âge et la précarité de leur condition (« Tout hussard qui n’est pas mort à trente ans est un jean-foutre ! » Lasalle) les conduisaient à profiter des plaisirs de la vie : les femmes qu’ils séduisaient mais aussi les « houssardes à la Lasalle », ces dîners orgiaques.
Gilles de Becdelièvre aurait pu se limiter à ces seuls aspects guerriers et gouailleurs des hussards, mais il va plus loin en mettant en exergue leur sensibilité d’hommes. Comment demeurer indifférent face à la question posée par Marulaz et qui va hanter Lasalle : « Dans la vie, après quoi cours-tu ? ». Comment ne pas être sous le charme de la princesse Natacha domptant cette horde de hussards par son interprétation au violon de La Pastorale de Beethoven ? Comment rester de marbre face aux citations faites par Lasalle de La Fontaine ? Lasalle se pencha contre l’oreille du malheureux Piriac… Un malheureux appelait tous les jours la Mort à son secours « Ô Mort, lui disait-il, que tu me sembles belle ! Viens vite, viens finir ma fortune cruelle ». Comment interpréter cette altercation entre Lasalle et un vieux curé alors que l’on est un guerrier ?
Les loups de l’Empereur est un roman haut en couleur. La lumière est crue : les pages ragent et tempêtent, mettant en scène des caractères bien trempés et – faut-il s’en désoler ? – des hommes croyant en des valeurs qui n’ont plus cours dans le monde d’aujourd’hui. ♦