Les romans militaires d'Erckmann-Chatrian
En 1802, un ancien volontaire de l’armée d’Helvétie, l’artilleur Philippe Erckmann, se trouva libéré du service après la paix d’Amiens et vint habiter à Phalsbourg, dans le département de la Meurthe, où il ouvrit une boutique de relieur-papetier, avec cabinet de lecture de livres français. Ses affaires prospérèrent, si bien qu’après quelques années il rechercha en mariage Mlle Juliana Weiss, fille du maire de la Petite-Pierre, l’un des gros bonnets du canton dont l’activité se dépensait dans la culture, la boucherie et le commerce des bestiaux. Les noces eurent lieu en 1806, et cette union devait être féconde puisque en treize ans, de 1809 à 1822, les heureux époux virent naître cinq enfants : trois garçons et deux filles.
Sous le premier Empire, la petite ville de Phalsbourg était une place dite de seconde ligne, fortifiée sous Louis XIV par Vauban et dont les remparts vieillis ne pouvaient pas résister longtemps à un siège moderne. Elle demeurait pourtant un point stratégique intéressant par sa position centrale en arrière des Vosges et des forteresses situées sur le Rhin, depuis Huningue jusqu’à Landau. Sa population civile comptait environ 2.000 âmes, mais l’effectif de la garnison composée d’infanterie, de cavalerie et de détachements des armes savantes, était maintenu à un chiffre élevé quoique variable qui doublait parfois le nombre de ses habitants.
Placée sur la route impériale de Paris à Strasbourg, la localité ne tirait quelque importance, en dehors de sa qualité de place forte, que de son relais de poste, du grand nombre de voyageurs descendant chaque jour dans ses auberges, et aussi de son titre de chef-lieu de canton qui nécessitait la présence dans ses murs de tous les organes administratifs de l’État et d’assez nombreux fonctionnaires. Enfin, Phalsbourg, avec son marché hebdomadaire et ses foires périodiques, était un centre d’activité rurale qui attirait une affluence régulière de paysans. Sans industrie importante ni grande entreprise d’aucune sorte, cette cité essentiellement militaire n’exerçait d’activité économique que dans de médiocres établissements locaux voués presque tous au commerce de détail. Après son mariage, Philippe Erckmann se rangea parmi les principaux de ces modestes négociants.
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