Les relations Armées-ONG, des relations de pouvoir ?
Les relations Armées-ONG, des relations de pouvoir ?
Le sujet est d’actualité et soulève à coup sûr nombre d’interrogations. Il est traité ici de façon approfondie et porte sur le cas précis du Kosovo dans les années 2001-2002, même si un dernier chapitre élève le débat en abordant le problème dans sa généralité.
Il est évident que les deux parties procèdent d’éthiques différentes et même a priori opposées. Mais l’auteur souligne combien la proximité du terrain et la pratique partagée de l’inconfort local, loin des analyses voire des querelles des instances dirigeantes, arrondissent les angles et, à défaut de réelle fraternité, suscitent la compréhension mutuelle. Les armées, renforcées en réservistes susceptibles de servir de trait d’union, ont été amenées à créer à cet effet des structures particulières pilotées depuis Lyon et tournées vers les actions civilo-militaires. Après un démarrage récent, se construit progressivement une doctrine dont certains aspects restent flous. Le personnel chargé de cette mission délicate doit être choisi avec soin et bénéficier sur place d’une stabilité suffisante. Faut-il pour autant suivre Yann Braem lorsqu’il recommande une véritable « spécialisation » pour ce genre de poste ? Du côté des ONG, à partir d’une philosophie humanitaire éloignée de la lecture de Clausewitz et teintée parfois à l’origine d’une « tradition soixante-huitarde », on ne note pourtant que rarement d’hostilité de principe envers les porteurs d’uniforme, on reconnaît leur spécificité, leur légitimité, et on apprécie le coup de main fourni à l’occasion par les moyens lourds et performants dont ils disposent.
Lors des inévitables et fréquentes rencontres s’établit finalement un « rapport gagnant-gagnant » allant jusqu’à une certaine « porosité » fondée sur des « proximités socioculturelles ». Au point, pour le lecteur, de s’interroger sur le maintien du caractère authentiquement militaire d’unités dont les représentants sont invités à déposer les armes au vestiaire et dont certains jeunes cadres peuvent être séduits par la « sphère humanitaire », au risque d’entrer alors en concurrence avec leurs vis-à-vis. On se sent loin de la charge en casoar et gants blancs, heureusement bien vite rassuré par la filiation avec l’œuvre coloniale des grands anciens et la référence à Lyautey.
De nombreux facteurs compliquent néanmoins les relations. Et tout d’abord, sous le regard des « télévisions du monde entier », la « politisation » traduit des orientations gouvernementales nationales, parfois fortement directives et non exemptes de préoccupations d’ordre économique auxquelles les ONG, malgré leur nom, sont loin d’échapper. Par ailleurs, si l’on peut admettre que la partie militaire se présente de façon cohérente et unitaire, il n’en va pas toujours de même du monde « éclaté » des ONG qui, dans leur diversité et la multiplicité de leurs « stratégies » propres, ne constituent pas forcément un front commun, comprennent mal les impératifs de confidentialité et sont parfois brouillées avec la notion de ponctualité.
L’enquête est sérieuse, certainement honnête, soucieuse de précision, limitée à ce qui a pu être « observé directement », illustrée par de très nombreuses citations tirées d’interviews ou de simples entretiens. Cela dit, l’exposé n’est pas toujours d’une parfaite fluidité et la lecture en est quelque peu ardue. ♦